Le bleu, sur les murs de la salle à manger brillait de mille éclats dans les azulejos de la petite taverne.
Nous étions les premiers clients de la soirée, et je dessinais sur mon carnet de route une modeste aquarelle de cette salle encore vide au plafond voûté ocre jaune un peu noirci par la fumée…
C’était en 1994 à Évora.
Mon père m’avait enseigné les joies de l’aquarelle rapide, mi pochade, mi croquis aquarellé, source de grandes joies, car ici ce n’est pas le résultat pictural qui compte mais le souvenir de ce que nous laisse ce genre d’esquisse plus ou moins bien réussie quand elle est associée au voyage : la mémoire d’un instant bien plus important que pourrait l’être la réalisation d’un véritable chef-d’œuvre !
Tout simplement parce que le temps qui passe efface à jamais ces moments de bonheur infiniment précieux liés à des émotions furtives, à des plaisirs simples partagées en famille ou entre amis et traduits par quelques coups de crayon et de pinceau, où sont éternisés ces bruits, ces couleurs, ces odeurs, ces éclats de rire, la présence de ces êtres aimés qui étaient insouciants et nous accompagnaient.
J’ai recherché dans les lumineuses ruelles la petite « Casa de Pasto » où nous avions mangé de si bons calamars frits, mais ne l’ai retrouvée.
Il y avait tant de bleu sur les murs…
Je ne suis pas certain, si j’y avais à ce moment-là réalisé une aquarelle plus élaborée, bien plus « belle » (comme on aime les voir aujourd’hui), que je retrouve à présent la même émotion en la contemplant.
À Évora la blanche, devant cette page de mon ancien carnet du Portugal qui me suit également dans le « voyage du bleu », je comprends la nature de cette nuance si particulière curieusement nommée « bleu à l’âme » (couleur que je ne saurai vous expliquer en ce jour de Toussaint).
En attendant, je poursuis ma route, espérant découvrir peut-être dans les jours qui viennent l’âme du bleu…