Hommage à mon père JEAN MARC .
Je vous ai peu parlé de mon père peintre et sculpteur sur fer . Pourtant son enseignement, son œuvre et sa démarche sont essentiels dans mon travail et influencent considérablement mon engagement créatif .
Il en est de même pour ma sœur Françoise, dont je vous reparlerai un jour . Ce sera une surprise, nous y reviendrons .
Mais pour aujourd’hui, c’est de l’œuvre considérable de mon père que je vais vous parler .
Je l’ai déjà évoquée l’an dernier, à l’occasion d’une petite exposition organisée pour lui à sa maison de retraite . Depuis sa santé ne s’est pas énormément améliorée, mais elle ne nécessite plus un maintient en milieu fermé alors qu'il y est toujours soumis, terrible prison qui le détruit, où sa nécessité de s’exprimer et de continuer de créer (ne serait-ce qu’avec ses pinceaux et couleurs) est brimée pour ne pas dire anéantie en même temps que sa personnalité, et nous ne savons pas comment lui permettre de retrouver un milieu ouvert car personne ne nous entend, ne prête attention à nos demandes, encore moins aux siennes qu’on feint d’ignorer dans l’entourage qui devrait au contraire l’aider, l’écouter, le soigner …
La Rossinante est la sculpture par laquelle mon père se fit connaître : cette image fit le tour du monde lorsqu’en 1959 elle s’afficha sur les écrans des actualités internationales de la BBC - Fox Moviétone, puis à la une de nombreux journaux … JEAN MARC dit : « Rossinante sans son maître . J’ai voulu m’attarder sur ce serviteur supérieur, qui ne s’est jamais rebellé contre ce maître qui parfois l’oublie ou le néglige . Si elle ne relève pas la tête, c’est qu’elle a l’habitude d’obéir sans discussion . Et de continuer à aimer . C’est moins l’image de l’animal résigné que du serviteur idéal dont peu d’hommes sont capables d’égaler la conduite : de celui qui sait que le rôle de serviteur est grand . » « Rossinante »
sculpture JEAN MARC - Photo Cousin, droits de reproduction JEAN MARC .Pourtant son expression fut si grande, son talent si affirmé il y a peu de temps encore, qu’il était un exemple d’accomplissement créatif pour nombre de nos contemporains .
On peut noter à travers la reconnaissance que lui ont accordé critiques et médias, des temps forts comme l’hommage que lui firent de nombreux Salons et rencontres internationales dont il a été l’invité d’honneur, celui que lui donna l’Institut de la Vie, la société des « Arts Sciences et Lettres », etc., entre les reportages de la presse dans des journaux et revues de pays très divers et de télévisions de tous horizons (américaine, japonaise, anglaise, française - particulièrement avec les « radioscopies » et film de Jacques CHANCEL -) …
Alors, un peu comme nous l’avions fait l’an dernier, nous lui avons dédié une sorte de mini rétrospective chez lui, dans la petite galerie familiale de Cordes-sur-Ciel, au Planol, à l’occasion des fêtes de Toussaint . Si vous passez par cette jolie cité médiévale d’ici le 7 novembre, n’hésitez pas à visiter cette exposition qui est ouverte de 14 à 18 h : vous ne reverrez sans doute pas autant de peintures et sculptures de JEAN MARC réunies en un même lieu d’ici un bon moment .
Venu brièvement hier au soir à l’occasion d’un vernissage tout à fait confidentiel retrouver famille et amis réunis autour d’une partie représentative du travail de toute sa vie (il peut quitter le milieu fermé seulement en notre compagnie et avait pu venir à "son" exposition), JEAN MARC a connu quelques minutes de bonheur et d’évasion et a pu renouer avec sa famille la plus ancrée dans son existence : celle de ses personnages de métal, nés du fer et du feu au foyer de sa forge, avec toute l’âme du monde figée à jamais dans leurs yeux .
Sous quelques-unes de ses toiles et aquarelles, au premier plan, un « Clown au miroir » : ils sont incarnés avec tendresse, ces « petits », ces « pauvrets » sur lesquels se penche JEAN MARC . Ils ont souvent l’air heureux, malgré parfois leur détresse ou leur désespoir . Ce sont des clowns ou des baladins . Mais aussi des artisans, des ouvriers, des paysans . Des musiciens, des saltimbanques, des vagabonds, ou des animaux singuliers et attachants …
Ils ressemblent à des personnages de Peynet, et nous emmènent dans un monde de rêve et de poésie, où les pétales des fleurs, les rayons du soleil et les étoiles constellent leur univers . Les miroirs, par delà l’image qu’ils leur renvoient, leur ouvrent aussi les portes de tous les rêves et de toutes les espoirs du monde . Photo Alain MARC .
Car les personnages de JEAN MARC, humains ou animaux confondus, appartiennent tous à la Comédie humaine, ils sont simples, humbles, parfois comiques, parfois broyés par la vie . Ils nous plongent tous dans la symbolique de son œuvre, sa philosophie, sa morale, sa foi .
Une œuvre forte et empreinte d’humanité, inscrite dans une démarche identique à celle de très nombreux auteurs classiques : dénoncer les travers de l’homme pour les exorciser en le libérant .
C’est dans la profondeur des regards qui donnent au morceau d’acier une âme poignante, à l’exactitude du geste, la spontanéité des attitudes, l’authenticité des expressions, la vérité des mains, que nous entrons dans la vie intérieure des sujets : une vie à fleur de peau qui ne peut nous laisser indifférents car ces sujets nous ressemblent étrangement, et leur vie est un peu la notre comme elle fut celle du peintre, sculpteur, compteur, poète et forgeron d’art JEAN MARC .
Le visage de cet « Homme qui chante » est celui d’un cœur pur, celui d’un être qui s’encourage (et nous encourage) avec sa propre chanson car il sait qu’il ne peut rien attendre de personne . Alors, son salut à travers son chant vient de lui, il l’illumine, et des profondeurs ténébreuses où son insignifiance le maintenait, il devient grand, beau et fort, mais surtout il se donne et nous apporte un bien très simple, précieux et pourtant trop fugace, qui ressemble au bonheur ! « L’homme qui chante » sculpture JEAN MARC - Photo Alain MARC .
Je vous reparlerai plus tard de mon père et de son œuvre car ce ne sont pas des centaines de créations qui sont sorties de son esprit, de son cœur et de ses mains, mais des milliers, à travers sculptures, peintures, illustrations, objets utilitaires ou décoratifs, un travail colossal et d’une grande qualité artistique que nous aimerions bien mes frères et sœurs inventorier, car beaucoup sont parties aux quatre coins du monde sans que nous sachions seulement qu'elles existaient .
Aussi je profite de cet article pour lancer un appel : si vous connaissez des créations de mon père, si vous en possédez une ou plusieurs, ou si vous pouvez nous mettre en relation avec des personnes qui en connaissent ou connaissent des histoires, anecdotes ou moments de sa vie, écrivez-moi, je vous en serai profondément reconnaissant et vous participerez ainsi à la sauvegarde de l’oeuvre de toute une vie, un fruit précieux et de grande valeur que nous ne voulons pas voir cheminer vers l’oubli .