Andalousie, les troglodytes de Guadix .
Réveil matinal plutôt glacial avec le vent du nord qui balaye la ville blottie au milieu de dunes érodées d'argile, de calcaire et de grès rose .
Parcours du combattant pour trouver un bar qui ne soit pas complètement enfumé par le tabac des consommateurs afin de prendre notre petit déjeuner .
Étonnante cité entourant sa cathédrale, où les rues du centre sont animées et vivantes, toutes bordées d'anciens palais dorés au façades ressemblant à des bâtisses vénitiennes aux teintes ocres, rouge grenat, parfois toutes blanches .
On ressent tout un mélange de civilisations et d'influences à Guadix : d'extravagance et de sérénité mêlée . (photo Alain MARC)
Yolande note ces façades de décors de théâtre, ces porches en anses de panier suspendus au dessus de frêles colonnades . (aquarelle Yolande GERDIL)
« L'alcabaza », le vieux château ( IX ° siècle) au dessus des quartiers hauts sur fond de Sierra Nevada . (photo Alain MARC)
Les collines colorées qui entourent Guadix, falaises ruiniformes aux cônes d'argile empilés les uns sur les autres, ressemblent à la surface d'un gigantesque sac de pommes de terre tant leur aspect chaotique leur donne l'allure d'un paysage en perpétuelle transformation .
Le plus étrange, ce sont ces façades blanchies à la chaux et percées de portes et fenêtres taillées à même la roche terreuse, qui se détachent comme autant de singulières entrées troglodytiques d'habitats des plus charmants qui soient ! (photo Alain MARC)
Il en est ainsi d'un quartier entier de Guadix, le quartier gitan, véritable taupinière, où le plus étrange est constitué par les cheminées dépassant du sol sur le flanc des collines, parfois loin de toute entrée visible, qui prouvent à quel point les pièces auxquelles elles correspondent s'enfoncent profondément dans le sous-sol . (photo Alain MARC)
Nous cheminons de talus en maison par-dessus les habitations de terre, sans savoir où nous sommes exactement tant cet étrange univers est fascinant . Pierre et Yolande ne savent plus où donner des yeux et du stylo ! (croquis Yolande GERDIL)
Les rues serpentent au milieu de ce drôle de fouillis, et on y ressent la présence d'une part énorme de l'âme andalouse qui hante ces buttes de terre ocre, rappelant au visiteur toutes ces générations de bêtes à figures humaines qui étaient traquées dès la chute du royaume de Grenade, comme la racaille maurisque à laquelle elle furent un temps assimilée . Elles fuyaient les villes d'où elles étaient exclues, se réfugiant où elles pouvaient pour survivre, et dont le luxe était quelques siècles plus tard ces terriers transformés en palais faméliques (Aranda ministre au XVIII° siècle de Charles III fait ériger un édit permettant aux gitans de résider où bon leur semble pourvu qu'ils ne portent pas atteinte aux bonnes moeurs et respectent la propriété privée) . (photo Alain MARC)
Encore un croquis de Yolande perdue dans le dédale des ruelles, à la recherche de cette mémoire du ventre de la terre . (croquis Yolande GERDIL)
L'entrée d'une maison où sèchent des piments en chapelets vermillon . Comme un oeil surgissant de la terre, un frisson venant du fond des âges, cette façade nous renvoie à l'éternelle mémoire gitane du peuple andalou : un mélange de cultures et de traditions nourries de cryptes mozarabes, de lointains chants indous, de fleuves migratoires aux mélodies hongroises, roumaines ou bulgares, de regards égyptiens et flambeaux de synagogues . Il s'en dégage cette magie muette et pourtant très criante d?une lumière étrange qui nous prend à la gorge dans le frisson du flamenco . (photo Alain MARC)
J'avais été accueilli en 1994, chez un gitan des « grottes » de Guadix . Nous devisions au fond de sa cave dernière pièce de sa maison éclairée d'un lanterneau donnant sur l'autre côté de la colline : nous avions traversé la falaise, et l'intérieur des pièces toutes blanchies de chaux donnaient à cet intérieur étrange un aspect de vielle maison villageoise andalouse qui n'aurait pas eue de fenêtres . Il y faisait très bon, toujours la même température aussi bien l'été que l'hiver me disait le gitan, et ses nombreuses pièces presque toutes en enfilade étaient éclairées à l'électricité, il recevait même la télévision dans sa salle à manger grâce à une antenne plantée à même le sol tout en haut du talus .
Croquis aquarellé d'anciennes fenêtres d?argile s'ouvrant dans les falaises du quartier gitan de Guadix . (aquarelle Alain MARC) Croquis aquarellé de Yolande GERDIL, réalisée à la sortie nord de Guadix, qui prouve combien la tradition de ce type de construction est toujours vivace et appréciée .
Maintenant, nous partons pour Grenade !