Andalousie, Grenade : le
« compas » des bas quartiers …
Brouhaha des rues, des « tascas », des « bodegas » .
Appel quasi chanté d’une marchande de primeurs, tel une bribe de « chico » (expression particulière du chant flamenco) arrachée au destin des petites gens de cette ville .
Quelques notes de guitare aux cordes pincées dans la rue Alhondiga par un mendiant perdu recherchant ses racines et celles d’un mélodica jouées par un autre un peu plus loin pour un public indifférent qui passe le regard vague …
Sonorités confuses : elle participent au « compas » (le « souffle », le rythme, la « mesure ») de la ville basse . Elles se rapprochent d’une forme de « duende » (esprit, grâce) comme celui qui nous fait frissonner quand il arrive sans prévenir au sein du flamenco .
Une ruelle de l’Alcaiceria, l’ancien marché moresque de la soie avec en fond l’évêché attenant à la cathédrale . (photo Alain MARC)
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : dans le cri libérateur qui transcende celui qui le vit, il y a tous ces extrêmes chargeant le
quotidien où se love souvent la misère, la souffrance et la passion, mais aussi des étoiles brillant dans un ciel noir comme du jais .
Je vous reparlerai du flamenco : l’esprit « flamenco », le vrai, ne se trouve pas forcément sur la piste d’un « tablao », en tout cas il n’y est pas toujours quand on voudrait
l’y trouver .
N’oubliez jamais que les perceptions même du « compas » et du « duende » peuvent vous toucher n’importe où : sur le quai d’une gare, un chemin de campagne, au fond d’une cuisine où à l’entrée d’un simple bar … Il suffit d’écouter, il faut surtout attendre et être aux aguets .
L’émotion, la passion, toutes les déchirures liées à cette ville m’ont bouleversées dans cette « granaïna » des simples bruits communs extraits du quotidien . Il s’en dégage des échos du « compas » propre à la ville basse que je retrouve inchangée depuis des années .
La petite vendeuse de légumes place Paseigas, dans les vieux quartiers, derrière la cathédrale … Cliquez sur l'image pour entendre l'ambiance sonore . (Aquarelle Alain MARC)
Je sors de la "tasca", mes pas résonnent dans la rue, je rencontre la petite marchande de légumes et des mendiants musiciens dont les notes finissent par se superposer ; je méloigne avec ce trésor d'un petit extrait du "compas sonore" de la basse ville ...
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Grenade est une ville grouillante qui vous étouffe de son oppressante réalité . Surtout l’été quand la chaleur exulte et écrase les bas quartiers de sa chape de plomb chargée de pollution …
Mais Grenade est aussi un rêve dans lequel nous entrons quand le soleil couchant lèche ses rouges collines, embrasant les murailles de l’Alhambra ou éclairant de rose doré les blanches ruelles de l’Albacin qui lui font face .
Nous montons à présent vers l’Albacin comme dans un songe ; les lieux ici s’écoutent, se ressentent et se respirent bien plus encore qu’ils ne se voient …
Je vais aussi y retrouver un « compas » différent : celui de l’autre visage de Grenade, qui me touche toujours comme dans une grâce parce qu’il est avant tout d’essence musicale .
Ce sera une musique douce faite de grands murs blancs, d’escaliers de galets dégringolant en cascades, de rires d’enfants courant dans les venelles, d’églises-mosquées égrenant leur arpège, de chants d’oiseaux s’échappant des carmens pour se mêler à ceux des anciennes fontaines qui coulent toujours au flancs de ce quartier …