Puisque je suppose que ma peinture vous intéresse, (enfin me semble-t-il car nous nous éloignons ici du concept de l’aquarelle), je vais un peu vous parler d’elle .
Je ne veux pas vous embêter avec cela, mais je suis sûr que vous aurez plaisir à voyager également avec moi en sa compagnie, puisqu’elle existe et que votre regard, votre pensée peuvent aussi la nourrir sur les chemins du devenir …
Car elle continue de vivre et de grandir à travers le regard de celui qui se sent concerné, interpellé ou attiré par elle .
D’abord il m'est très difficile de parler de "ma" peinture . Je n'aime guère le faire car cela peut paraître prétentieux hors je ne voudrais pas l'être, mais je me dis aussi que pour permettre aux autres d'ouvrir certaines portes, il faut leur donner des clés ...
Ce qui compte c’est de la produire, de la réaliser, car à travers elle c’est un cheminement intérieur qui se révèle, qui vient parfois de fort «loin» et qui peut même souvent dépasser l’acte déjà très complexe de l’accomplissement pictural …
Mais si on perçoit une partie de ce qu’il se passe à travers cette alchimie on perçoit en même temps que le monde qui nous entoure, tout aussi laid, pourri, impitoyable, ou (et) beau, riche et flamboyant qu’il soit en même temps dans ses incroyables paradoxes, n’est qu’une apparence qui nous cache un univers palpitant et secret qu’il nous appartient de chercher, peut-être de «retrouver», en tout cas d’essayer d’entrevoir de toute son âme …
«Le poisson originel», Acrylique et sable sur toile (170 x 115 cm collection
personnelle)
À l’origine la vie … Si loin dans notre mémoire collective que nous ne pouvons y remonter . Peut-être une tentative de profonde communication avec le passé nous rapprocherait-elle seulement des premiers vertébrés, des paysages inconnus de l’éocène ?
J’aimerais que mes toiles soient empreintes des espaces insondables qui m’ont inspirés, nous rendent aux sables, aux algues, à la terre, aux limons, aux cendres originels . Qu’elles nous ouvrent des portes sur les profondeurs des forces qui sous-tendent l'existence, établissant une communication nouvelle avec les mystères et les questionnements qui nous ramènent à l'éternité de la vie ...
Donatella Micault, critique d'Art, (Association des Historiens et Critiques d'Art), a écrit à mon sujet il y a déjà près de 30 ans de cela :
«Alain Marc est le peintre de la pensée qui nous échappe .
Deux techniques picturales ont sa préférence : l'aquarelle et la peinture .
Les aquarelles sont figuratives . Elles révèlent les formes visuelles que la conscience ordinaire appréhende . Les formes sont familières . Nous sommes dans le monde du connu .
Après avoir séduit le spectateur, le peintre nous entraîne dans l'univers de ses toiles .
L'artiste s'évertue à franchir les frontières du visuel . Sa recherche, véritable marche en avant perpétuelle, puise ailleurs sa création .»
- Avait-elle perçu la quête (peut-être désespérée ? … mais dans le fond qui m’a tout de même délivrée d’intimes et troublantes certitudes) entreprise avec ma réflexion picturale ?
En tout cas elle avait nettement perçu que ma peinture n’est pas spécialement faite pour séduire, éblouir, flatter .
Il s’agit plutôt pour tous les collectionneurs qui m’en ont acheté une ou plusieurs d’une sorte de "fascination intériorisée" …
«L'hipparion rouge» Acrylique et sable sur toile 25 F (Collection privée en Allemagne) .
Comme sur les parois des bouleversantes cavernes explorées par mon ami Jean PÉRIÉ au cœur du Matogrosso, j’essaie de toucher par ces «réminiscences visuelles» la mémoire enfouie d’une quête universelle, d'entrer en communication avec des présences incertaines, subtiles, qui parfois se révèlent, parfois non, mais me renvoient souvent à des images mystérieuses, soit comme des signes ou des images prémonitoires, soit comme des éléments me reliant à des visions échappant à la notion du temps quantifiable : un autre, différent de celui que nous pouvons voir passer …
La réalisation ?
Parfois mon travail est si long et laborieux, demande tant de réflexions passant par mille doutes (non pas techniques mais de connivence avec ma quête), qu’il me faut des années pour réaliser une toile .
Parfois, c’est immédiat, foudroyant, comme si c’était un autre qui peignait .
Quelquefois je peux «peindre» sans réaliser la moindre toile .
Je la vois dans la tête comme une vision, un acte accompli . Et je peux ne jamais la réaliser car elle s’efface vite et disparaît dans l’inconnu d’où elle m’est apparue . Je me dis «la toile est terminée, elle a existé» et pourtant je ne l’avais pas commencée : elle a cependant vraiment existé pour moi .
... C'est pour cela qu'il m'est arrivé de détruire de nombreuses toiles (bien réalisées celles-là), que personne (sauf certains proches) n'a jamais vues (j'en ai tout de même conservé des photos pour ne pas être taxé de menteur) .
D’ailleurs je peux rester dix ans sans réaliser la moindre peinture .
C’est-ce que je viens de faire …
Il me fallait des «réponses» à des questions que je me posais .
Dix ans pour les trouver et simplement, ce matin en m’éveillant, d’une incroyable clarté : je savais .
Alors je vous confie : dès la première heure, avant mes autres «chantiers» je me suis remis à peindre, à retravailler …
Pour terminer ce premier article consacré à l’un des principaux questionnements de ma quête picturale je vous emmène avec ce beau documentaire d’Arte, dans un voyage à la fois dans l’espace, (au fond de la fosse de Messel) et dans le temps jusqu’à l’Éocène : un jour je vous reparlerai de cette conjonction entre la science, l’art et la spiritualité qui fascinait tant Jean Guitton, et qui pour clôturer cet article a ici tout à fait sa place …