Bien sur, il y avait l’attrait de ce qu’un tel voyage peut apporter : dépaysement, rencontre, découverte, mais sans doute fallait-il être singulièrement blasé, indifférent ou insensible à toute la profondeur des êtres et des choses pour ne pas y ressentir aussi de la fascination …
Une fascination acérée autant que magnifiée par le regard, la curiosité, l’humanisme du carnettiste, plus encore s’il se doublait de la perception poétique de l’aquarelliste .
Bien sur chacun avait ses raisons de m’avoir suivi jusqu’ici . Par-delà leur aspect ludique, il en est de plus ou moins conscientes, de plus ou moins existentielles, on ne repousse pas aveuglément les murs de son existence pour y ouvrir des passages offrant d’autres horizons sans profondes nécessités d’accomplissement .
Car si le carnettiste a la chance de pouvoir vivre différemment son voyage c’est parce qu’il peut répondre à deux de ses plus vitaux besoins : inscrire dans sa réalité des images arrachées à ses rêves migratoires, (véhiculés dans toutes les civilisations depuis les origines de l’humanité à travers mythes et légendes), et représenter dans sa propre créativité la rencontre entre son imaginaire et l’authenticité du monde dans sa diversité . Mais cela n’est ni gratuit, ni facile, il faut le mériter au prix d’un certain nombre d’efforts …
Ce voyage au nord Vietnam à la rencontre des lieux mythiques et des minorités ethniques a donc tenu toutes ses promesses, et avant de vous en faire partager quelques temps forts je tiens à remercier tous ses participants non seulement pour la confiance qu’ils m’ont accordée, mais aussi pour les difficultés qu’ils ont dû surmonter pour arriver à cet accomplissement (qui se poursuivra d’ailleurs pour la plupart d’entre eux bien après leur retour) .
La récompense de la 8ème merveille du monde au bout du chemin : la baie d’Halong nous offre ses paysages enchanteurs et nous plonge deux jours durant dans la magie d’un rêve devenu réalité …
Encore faut-il vouloir cet élargissement, mais la pratique du carnet ouvrant cette perspective, le carnettiste devient un jour presque malgré lui ce voyageur «différent» qui ne se saisit plus de «l’ailleurs» comme d’un produit satisfaisant sa curiosité, mais comme d’un passage vers de nouvelles formes de perception, plus subtiles, plus intériorisées, plus universelles et plus humaines aussi dans la plupart des cas .
Il est comme le chat qui y voit mieux dès que tombe la nuit, visualisant ce que la plupart des autres espèces ne savent distinguer !
Hors, la premières des impressions qui se dégage pour moi de ce que nous avons vécu au Vietnam (et je ne suis pas le seul à avoir parmis nous ce sentiment), perceptible élément de nos pages de carnets, c’est parmi la multitude des sensations et des émotions nées de nos rencontres et découvertes celle d’une immense pureté, une sorte d’invisible diamant de beauté se dégageant des choses et des êtres fussent-ils dans les rizières souillés de boue jusqu’au cou .
Pureté dans l’étrange luminosité des paysages de montagnes aux plans immatériels se fondant dans la brume,
Pureté dans la silencieuse symphonie des innombrables pains de sucre surgissant de la mer dans la baie d’Halong,
Pureté dans le regard clair des paysans et des pêcheurs s’échinant pourtant à la tâche,
Pureté dans la démarche de ces femmes et de ces hommes d’un pays en chemin qui tourne le dos aux embargos et aux guerres avec une sérénité que même l’influence bouddhiste ne peut à elle seule expliquer,
Pureté dans le labeur quotidien et la vie rude des minorités ethniques chatoyantes de couleurs,
Pureté dans les yeux chargés d’espérance de tous les enfants que nous avons rencontrés,
Pureté dans le son des prières montant des temples et mêlées aux coups de maillet portés sur les gongs …
On dirait même que ce pays capable d’extraire de l’eau boueuse de ses rizières sa principale nourriture a la capacité de faire éclore de toute chose l’essence même d’une pureté indéfinissable comme celle qui se dégage du cœur d’une fleur de lotus .
Voici en attendant un prochain article quelques temps forts de notre cheminement :
Notre bus dans un passage délicat parmi tant d’autres sur la route menant du Lodge à Sapa : nous avions des chauffeurs dont on peut dire qu’ils sont excellents !
Route de montagne au dessus de Lao Cai près de la frontière chinoise : là pas facile de se croiser, mais le plus important était de ne pas s’embourber …
Il est des lieux qui se méritent et se donner de la peine pour y parvenir fait partie des souvenirs forts d’un voyage : le marché de Can Cau est de ceux-là, où nous avons eu le plaisir de dessiner les splendides H’Mongs Bariolés aux vêtements multicolores .
Toute autre ambiance dans la baie de Halong : ici les marins hissent les voiles de notre jonque (splendide bateau que nous avions avec son équipage «pour nous tout seuls»), nous n’avions qu’à profiter pleinement de nos aquarelles et du paysage en nous laissant servir et naviguer !
Nous voici en randonnée partant découvrir la vie en forêt vietnamienne dans les environs de Luong Son ...
Encore à pied mais pas pour longtemps cette fois : juste le temps de traverser les voies de la gare de Hanoi pour accéder à notre train de nuit en partance pour le poste frontière sino-vietnamien de Cao Lai …
Chacun travaille avec passion et acharnement pendant la descente de la rivière Chay : c’est qu’il ne faut pas perdre un instant en carnet de voyage où le travail en autonomie même pendant un stage est essentiel, car il constitue la plus grande part de ce qui deviendra l’affirmation de toutes les initiatives à la base d’une grande liberté d’expression et des choix associés .
Échelle du lieu avec l’une de nos petites barques qui assure la navette entre le pont de Cocly et Bao Nhai plusieurs kilomètres en aval en franchissant les gorges : cela donne une idée de l’immensité du paysage où la montagne plonge dans la rivière accompagnée d'un ruissellement de luxuriante végétation .
À Binh Min, en «baie d’Halong terrestre», c’est en vélo que nous parcourons les chemins en quête de sites de peinture au milieu des rizières dans lesquelles se reflètent les hautes formations rocheuses de calcaire ressemblant à celle de la baie d’Halong maritime pourtant bien éloignée de là .
Région magnifique visitée aussi du côté de Van Long sur les petites barques de bambous des paysans de la région …
… jusque dans les grottes qui truffent le karst !
Tout cela pour des bonheurs rares : établir des passerelles par-delà nos différences en marquant notre vie de petits cailloux blancs pour retrouver notre chemin sur les vraies valeurs de l’existence .
Toujours le même bonheur, le même partage . Il faut souvent se lever tôt pour aller à sa rencontre : ici au petit jour Yves dessinant sur le marché aux fleurs de Hanoi .
Ou à Binh Lu : Nicole travaillant sous le regard étonné de quelques femmes de la minorité des H’Mong Noir …
Après presque une heure de barque : la joie des petites filles de Keng Ga dessinant sur le cahier de Cécile …
Alors, si ces premières images de notre voyage vous ont données envie d’en savoir plus et de nous accompagner dans ce pays à la légendaire beauté, je vous dis : «à très bientôt» en vous laissant en compagnie de ces deux très belles interprétations de «Bonjour Vietnam» par PHAM Quynh Anh !
Je dédie cet article et la chanson qui le clôture à Huyên, petite serveuse Dao du Red Dao House, excellent restaurant de Sapa .
I dedicate this article and the song that the fence Huyên, H'mong little waitress at Red Dao House, an excellent restaurant in Sapa .
Quant à moi, je fonce découvrir avec mon ami Dong les rues de Hanoi : c’est lui notre guide et interprète, vous le retrouverez ici lors de vos voyages avec moi .
Bonjour Vietnam est le titre d’une chanson de Marc LAVOINE et de Yvan Coriat, interprétée ci-dessous par PHAM Quynh Anh .
Cette chanson est rapidement devenue l’un des symboles médiatiques forts de la communauté vietnamienne, à l’étranger comme dans le pays . Au point que les médias vietnamiens se sont fait l’écho de ce phénomène !
Marc LAVOINE raconte à propos de cette chanson :
«Ce duo-là est particulier. Je voulais le chanter avec quelqu’un qui puisse avoir le visage de l’espérance. Et je l’ai trouvé à Bruxelles. Quynh Anh est une jeune Vietnamienne qui vit ici. J’avais écrit «Bonjour Vietnam» pour elle. Mon producteur m’a suggéré son nom pour le duo. Lors de l’essai, j’ai été convaincu quand elle s’est arrêtée de chanter pour me demander ce que je voulais dire dans ce titre. Je le lui ai expliqué, elle a dit merci, a remis le casque et a fait trois prises. Elle a une voix magique.»
Paroles :
Raconte-moi ce mot étrange et difficile à prononcer
Que je porte depuis que je suis née .
Raconte-moi le vieil empire et le trait de mes yeux bridés,
Qui disent mieux que moi ce que tu n’oses dire .
Je ne sais de toi que des images de la guerre,
Un film de Coppola et des hélicoptères en colère .
Un jour, j’irai là-bas, un jour dire bonjour à ton âme
Un jour, j’irai là-bas te dire bonjour, Vietnam .
Raconte-moi ma couleur, mes cheveux, et mes petits pieds,
Qui me portent depuis que je suis née .
Raconte-moi ta maison, ta rue, raconte-moi cet inconnu,
Les marchés flottants et les sampans de bois .
Je ne connais de mon pays que des photos de la guerre,
Un film de Coppola et des hélicoptères en colère .
Un jour, j’irai là-bas, un jour dire bonjour à mon âme .
Un jour, j’irai là-bas te dire bonjour, Vietnam .
Les temples et les Bouddhas de pierre pour mes pères,
Les femmes courbées dans les rizières pour mes mères,
Dans la prière, dans la lumière, revoir mes frères,
Toucher mon âme, mes racines, ma terre .
Un jour, j’irai là-bas, un jour dire bonjour à mon âme .
Un jour, j’irai là-bas te dire bonjour, Vietnam .
Te dire bonjour, Viêt-Nam .