Je me suis longuement interrogé à la reprise de mes articles dans ce blog, au sens que j’allais leur donner en ces périodes de fêtes …
Comme le voyageur qui s’interrogerait sur le sens de sa quête, sur les raisons intimes, profondes, souvent insoupçonnées qui le poussent au voyage .
Bien sur nous reparlerons voyage et création (où le carnet de voyage restera notre moteur essentiel), nous repartirons voyager, peindre, dessiner (à travers entre autres différentes expressions, différents carnets dont je vous réserve la primeur en cette fin d’année), mais surtout nous nous projetterons vers l’avenir dans un esprit renouvelé, une manière d’aborder le monde que j’aimerais vous faire partager et où vous pourriez vous aussi vous projeter .
Sans doute le point commun entre le voyageur et le créateur (fusse-t-il artiste peintre, poète ou compositeur) est de vouloir aller plus loin que l’horizon, là où notre regard seul ne peut nous porter .
Sans doute avec cette curiosité enfantine teintée d’espérance prête à s’émerveiller d’une incroyable découverte dont nous serions les seuls privilégiés et qui nous comblerait comme une réponse suprême à notre raison d’exister .
À l’image du cadeau de Noël qui n’était fait que pour nous, déposé avec tant d’amour par le mystérieux père Noël sous les aiguilles du sapin, alors que la neige tombait drue dans la lumière blafarde du petit jour et que nous n’osions défaire de ce trésor les rubans argentés retenant encore le fruit de toutes nos espérances …
Car, plus loin que le simple bonheur apporté par le voyage, plus exaltantes que les joies d’expérimenter une trace que personne d’autre que nous n’aurait pu initier à notre place, se cachent de plus profonds accomplissements qui passent par le regard et l’appréhension du monde, en apportant de possibles réponses à certains de nos désirs souvent existentiels, généralement inconscients, presque toujours informulés .
L’un de ces désirs (et ce n’est pas le moindre) est de toucher à l’essence des êtres et des choses, de se projeter en absolu dans la quintessence de l’instant en se suffisant de moyens les plus infimes et avec la dynamique d’expression la plus intense qui dégagerait à elle seule avec le moins d’artifices possible tout l’esprit du visible et de l’invisible réunis .
On rejoint sans doute là l’influence des principales philosophies picturales d’extrême orient, où le sens de la peinture est intimement lié à celui de la pensée .
Nombreux ceux d’entre-nous qui essaient d’y parvenir …
Mais en carnet de voyage, plus encore en aquarelle et croquis de terrain cette quête est difficile, et rares sont les résultats vraiment aboutis (je dirai même «approchant assez du but» pour toucher une toute petite part de cette sorte d’absolu) !
Il faut être bien conscient que ce n’est parfois (si on est un peu exigeant avec soi-même) qu’un exercice sur cent qui nous apportera dans ce domaine le début d’un assouvissement, mais le jeu en vaut la peine, où persévérance et travail sont largement récompensés lorsqu’on a pu commencer d’y parvenir …
Je vous invite donc avec ce premier article consacré à «l’éveil du regard» à découvrir (ou à retrouver) l’évocation de cette quête nous ramenant au Vietnam à travers l’expression de trois amis dont l’engagement en peinture, en arts graphiques ou en journalisme relève justement de ce type de recherche .
C’est aussi leur petit cadeau que de me permettre de vous offrir cet article de Noël en partage d’amitié .
Le premier d’entre eux vous le connaissez depuis longtemps, il m’accompagne souvent lors de mes voyages picturaux, c’est Pierre NAVA .
Si je le site régulièrement ici, c’est parce que ses aquarelles visent à saisir l’instants dans leur authenticité en les «éternisant» comme en photographie l’aurait fait en son temps un Robert Doisneau .
Comme lui il guette l’anecdote, la petite histoire, avec un humanisme souvent empreint d’humour, mais aussi le moment précis où la beauté affleure à la surface du sujet et qu’il faut la saisir à la volée comme l’image d’un animal aquatique qui viendrait reprendre sa respiration …
Il est allé au Vietnam en repérages pour moi (en préparation aux stages carnets de voyages «minorités ethniques - baie d’Ha Long» 2010 - 2011) il y a deux ans déjà, et sa rencontre avec la beauté de cette terre, celle de ses habitants, celle de sa culture, ne pouvaient que l’exalter dans son inspiration .
Ceux d’entre vous qui sont déjà abonnés à ma newsletter connaissent déjà cette aquarelle de Pierre pleine de force et de sérénité : - sans doute a-t-il touché ici à cette part d’excellence qu’il ne cesse de rechercher, et dont son voyage au Vietnam (avec les merveilleuses surprises personnelles qu’il allait lui réserver), allait lui donner les clés ?
Travail à la rizière, une scène saisie dans l’instant par Pierre NAVA, où la présence de l’eau est si perceptible en étant à peine évoquée, que la chaleur moite de la rizière est presque odorante des effluves de la matinée …
«Ha Long : - quel silence ?» Un moment où le temps est suspendu, … et Pierre l’a saisi en conservant l’esprit occidental à son regard .
Je me souviens d’un petit jour où la baie s’était comme endormie . Les pains de sucre calcaires paraissaient flotter à la surface de l’eau comme d’immenses décors de papier . Seul un couple d’aigle pêcheurs troublait le miroir irréel de cette onirique vision . Il n’y était pas, mais en repensant à son aquarelle Pierre était à mes côtés !
Pierre NAVA expose rarement mais si son travail vous intéresse vous aurez sans doute plaisir à découvrir son livre «Lectoure, souvenirs partagés» consacré à son beau village natal du Gers : vous en trouverez les références dans un article que je lui avais déjà consacré en cliquant ici . Si vous voulez lui écrire de ma part en attendant, il vous suffit de cliquer ici .
Le second peintre et auteur auquel je fais référence dans ce billet à propos de «l’éveil du regard» à travers le Vietnam, c’est mon ami EBAN .
Pour beaucoup d’entre-vous inutile de le présenter, vous le connaissez déjà à travers ce blog, ou en l’ayant rencontré dans les nombreux salons et expositions où il a été invité .
Vous avez même peut-être certains de ces livres qui embellissent les rayons de votre bibliothèque et illuminent vos soirées de lecture .
Lui plus que nul autre pouvait nous parler du Vietnam, sa terre natale, le pays de ses racines ancestrales .
Un Vietnam magnifié tout en étant authentique et profond dont il nous offre le regard dans «Viet-Nam, À la source des souvenirs» .
«Vietnam, À la source des souvenirs» le dernier carnet de voyage de EBAN, que vous pouvez commander chez son éditeur Annie Roth Éditeur
S’il est un artiste qui va à l’essence du monde, c’est bien lui : d’une sensibilité poétique unique, ses toiles, ses aquarelles et croquis sont une respiration .
Ses œuvres sont le produit même de cet «éveil du regard» qui ne nous offre de la réalité que ce dont la pensée a pu se nourrir, c’est-à-dire une sorte d’intériorité de la beauté .
Morleau-Ponty, dans «L’Œil et l’esprit» écrivait «… Il faut comprendre l’œil comme la fenêtre de l’âme» . EBAN nous en apporte la preuve avec en plus cette orientale perception qui fait que le voyage se continue au-dedans de chaque toile, au cœur d’une aquarelle comme de chaque croquis chacun d’eux étant un concentré de pensée .
Il dit lui-même : «L’esprit doit parler pour les choses …» .
Il est dans un voyage où l’abstraction n’est que le témoignage d’un chemin révélant d’autres réalités, où les formes du visible ne sont que des apparences, où le reflet du chemin parcouru est celui de son propre reflet .
EBAN est toujours plus loin que la vision qu’il nous donne du monde .
Je dirai qu’il s’inscrit dans la séculaire tradition picturale des lettrés qui ont marqué l’histoire des philosophies, de la littérature et des arts visuels de son pays, tout en nous apportant sa dimension personnelle de contemporanéité .
C’est cela la baie d’Ha Long : indescriptible dans son étrange beauté .
EBAN avec cette aquarelle a tout résumé !
La pagode de Long Son à Nha Trang . Ou comment quelques taches et graphisme de couleurs peuvent nous projeter plus loin que dans la représentation d’un lieu : dans sa propre spiritualité !
Avec cette silhouette d’un personnage de la minorité Sapa, nous entrons dans l’introspection d’un regard de l’être humain sur d’autres hêtres humains .
Le début d’un dialogue, d’une communication dirai-je où le personnage n’a pas besoin de nous regarder pour nous parler : son attitude, l’absence de son regard nous en disent davantage sur son attente que le plus long des discours …
Vous pourrez retrouver EBAN au prochain festival d’aquarelle de Brioude, et si vous voulez lui écrire de ma part en attendant, il vous suffit de cliquer ici .
Pour le dernier de mes invités qui a accepté de partager avec vous son «éveil du regard» à travers le Vietnam, c’est d’abord vers la Suisse que nous allons partir .
De lui aussi je vous ai déjà parlé : il s’agit de Yves GIROUD, illustrateur et dessinateur de Presse .
Avec lui nous sommes dans un tout autre registre . Aux aguets de l’actualité, habitué à croquer ses contemporains dans leurs travers et leurs singularités, toujours sur la brèche pour traduire avec humour et vivacité sa perception des acteurs de nos cités, il faisait partie de notre groupe de carnet de voyage Vietnam il y a quelques semaines à peine, en quête lui aussi de cette part d’ineffable puisé dans le réel qui peut ressourcer notre expression par la force de l’étonnement .
Démarche fondamentale complémentaire de celles de Pierre ou d’EBAN dans un registre pourtant très différent mais où se dessine (c’est le cas de le dire) le sens profond de sa démarche avec plus d’acuité et d’humanisme apportés aux acquis déjà nombreux de son travail .
Dans sa démarche carnettiste Yves va vers les gens selon son habitude et ses principes en quête de leur personnalité : là-bas il fut plus sensible à leur élégance, leur beauté, leur gentillesse, leur humanité .
Guidé par une incessante exigence il ne cessa de travailler, ayant toujours l'impression d'être en deçà de son sujet .
Percevoir ses personnages était d’abord pour lui être leur interprète, le prolongement éphémère de leur personnalité saisie de quelques coups de crayons, dans des conditions parfois tout juste exploitables .
Pour les paysages, c'est un peu différent, il allait vers le sujet en laissant son émotion personnelle s’exprimer, sans crainte de dénaturer «l'autre», dans une perception du monde plus distanciée .
C’est sa quête, son «éveil du regard» avec ses joies et ses difficultés à travers les principaux sujets qu’il a traités au Vietnam que nous allons suivre dans le prochain article, puisque j’ai eu le plaisir de le côtoyer et de le filmer sur les principaux sites où nous avons été.
Si vous voulez lui écrire de ma part en attendant, il vous suffit de cliquer ici .
H’Mong noir en quelques traits et coups de pinceaux, sans repentir possible, c’est l’un des objectifs que Yves GIROUD s’était fixés …
Femme H’Mong bariolé portant sa hotte sur le marché de Lao Cai .
Yves GIROUD en train de dessiner les rizières en terrasses tel que vous le retrouverez en vidéo dans le prochain article …