J’ai retrouvé des photos d’anciennes aquarelles …
Réalisées il y a près de 25 ans de cela, elles témoignent de choses qui ont disparues ou qui ont énormément changé .
Bien que les photos ne soient pas très bonnes, abîmées par le temps, c’est avec émotion que je les scanne et les archive dans mes fichiers de peinture . Il n’y avait pas d’appareils numériques en ce temps-là, et les moyens de conserver les documents n’étaient pas aussi simples qu’à présent ; par surcroît, je n’avais pas les moyens de réaliser de bonnes photos de mes aquarelles ou de mes toiles, et beaucoup se sont vendues avant que j’ai pu en conserver la moindre reproduction . Quant à celles qui se sont vendues et dont il me reste ces quelques photos, je ne sais pas qui les possède à présent, car, très souvent, les galeries qui les ont vendues ont disparues .
Parfois, j’ai la surprise de recevoir de l’ADAGP, un relevé de ventes aux enchères qui me permet d’en retrouver la trace . Aussi c’est avec émotion que je redécouvre celles que je classe aujourd’hui.
J’y retrouve la foire de la St André à Rodez .
En regardant l’aquarelle, d’autres images, des sons, des odeurs me reviennent comme par enchantement : le vent d’autant soufflait ce jour-là sur le Rouergue, et les panaches de poussière soulevés par les rafales emportaient avec eux des carrée de papiers gras qui flottaient au dessus du foirail avant de retomber au milieu des hommes et des bêtes .
Le vacarme n’était pas celui que l’on découvre aujourd’hui dans les immenses halls de foires aux bestiaux, il y régnait une véritable atmosphère d’euphorie et de gaîté qu’on aime toujours retrouver dans les foires de plein air : aux sonorités toujours renouvelées par le beuglement des taureaux d’Aubrac alignés sur la place, se mêlait le hennissement des chevaux et le brouhaha des voix humaines .
Interpellations entre paysans, conciliabules de maquignons, klaxons de bétaillères, sifflement de l’autan dans les arbres décharnés du jardin du foirail étaient régulièrement entrecoupés par les sonorités lointaines mais pourtant cristallines des cloches de Notre Dame qui trônait au fond de la scène, dans son voile de grès rose à contre-jour sur le ciel blanchâtre et lumineux .
- Que reste-t-il, dans les jeunes mémoires, de la foire de la Saint-André ?
Elles sera toujours vivante pour qui pourra contempler cette aquarelle, même sans savoir que j’avais froid aux doigts, que j’étais bousculé, qu’il me fallait de temps en temps affronter invectives et regards parfois narquois, mais que j’avançais tout de même parce que je trouvais tout simplement cela beau et intéressant, ce matin de fin novembre, dans un hiver ruthénois oublié .