Andalousie, arrivée à Cordoue .
Je ne sais s'il vaut mieux arriver à Cordoue le jour ou la nuit ...
Ce que je sais c'est qu'il faut voir Cordoue la nuit . Il y règne une atmosphère particulière que je n'ai rencontré nulle part ailleurs en Andalousie . On dirait que les pierres nous parlent, qu'elles exhalent un étrange parfum d'histoire empreint de mystère et de splendeur . Comme si son fabuleux passé voulait émerger de l'obscurité, mêlant aux reflets du Guadalquivir sa parure ambre et argent, se drapant d'une incomparable lumière dorée ressemblant à celle des mosaïques de l'étincelant mihrab de la mosquée .
Au premier plan un moulin arabe en ruines . Nous sommes au bord du Guadalquivir . En face la mosquée, d'où émerge l'ensemble massif de la cathédrale érigée en plein milieu par Charles Quint . À gauche, la silhouette élancée du minaret transformé en clocher . Très forte impression d'un joyau qui sommeille là-bas nimbé de toute la nostalgie du califat omeyyade . Comme ce devait être beau quand les chrétiens entrèrent dans la ville ! (photo Alain MARC)
Sur mon aquarelle le pont romain qui franchit le Guadalquivir est à gauche, on ne le voit pas . Ce qui m'intéresse c'est cette accumulation architecturale qui émerge de la nuit jetant sa lumière dans le fleuve, comme le phare toujours lumineux d'une civilisation qui se drape dans son lizar d'éternité . (aquarelle Alain MARC)
Voici le pont romain en question, photographié un peu plus loin . La massive tour qui en protège l'entrée c'est la « Calahorra », forteresse musulmane remaniée par les chrétiens, telle une sentinelle guettant pour mieux défendre les vestiges des fabuleuses beautés cachées au bout du pont . (Photo Alain MARC )
Il fait noir de ce côté du pont, et les rumeurs de Cordoue ne nous parviennent que dans un lointain murmure . On n'oserait pas franchir le fleuve . On voudrait encore contempler longuement cet écho mêlé de lumière pulvérulente et de musique des bruits lointains de la ville qui ressemblent à de mystérieuses clameurs traversant la nuit, tel un mirage flottant au dessus de l'eau .
Que de richesses débarquaient ici sur les quais du Guadalquivir, ou arrivaient en cahotant sur le vieux pont ?
C'est au pied des murailles que le murmure des pierres se fait le plus fort : nous ne sommes pas encore entrés dans la ville que nous devinons un tempo différent des autres villes d'Andalousie . Nous savons qu'ici un « compas » singulier nous attend . (photo Alain MARC)
Il ressemble à l'ombre du cyprès sur la muraille ! Il monte au dessus des créneaux comme une flamme de vie, dans le silence, la beauté pure et la discrétion . Ce n'est pas la langueur de Grenade, ni le rythme joyeux de Séville ou de Cadix . C'est une atmosphère presque recueillie empreinte de mystère et de grandeur retenue . Une cadence où l'importance des heures prend toute sa valeur !
Nous irons demain matin découvrir ce « compas » à la rencontre de la ville, en commençant par la « Mezquita », son plus inestimable joyau .
Mais pour le moment c'est dans un patio typiquement cordouan que nous assouvons notre faim . Celui du « Churrasco », l'un des hauts lieux de la gastronomie dans la cité, au même titre que « Pepe de la Juderia » ou « El Caballo Rojo » . Ne ratez surtout pas si vous y allez, le fameux « salmojero cordobès », ce gazpacho épais saupoudré de jambon et d'oeuf dur, qui vous initiera à la cuisine à la fois simple et raffinée héritée des traditions de la « campinia » et des imports de l'orient .
Pierre dessine l'ambiance du patio du Churrasco où nous dînons ... (Croquis aquarelle Pierre NAVA)