Peinture, une histoire de regard (mes deux dernières toiles) .
Beaucoup d’entre-vous ont manifesté leur surprise en découvrant ma peinture sur le mini site que j’ai réalisé dernièrement : c’est que je vous parle beaucoup d’aquarelle, de carnets de voyages,
de la peinture des autres, mais presque jamais de la mienne !
Pourtant, c’est une véritable part de mon expression sur laquelle je travaille depuis des années, avec des questionnements qui me ramènent aux origines de notre espèce, aux premiers temps du monde, mais également aux différents états de la matière, aux manifestations de la vie dans ses formes les plus troublantes et aux liens que ces éléments entretiennent avec notre existence et notre pensée …
Alors comme je viens justement de terminer deux toiles (la dernière est à peine sèche en surface - ce sont deux techniques mixtes, acrylique et sable sur toile -), je vous les présente en « exclusivité » puisque personne avant vous ne les a encore vues :
« Magma aux plaques d’airain » 60 x 60 cm Alain MARC 2009 (allégorie archéologique) : ici, trois monolithes simulant un métal précieux (sans doute de cet airain dont l’âge de bronze marqua l’humanité d’une empreinte indélébile, la faisant basculer de la préhistoire à de nouvelles formes de civilisations) sont gravées de symboles liés à la fécondité et à des représentations solaires . Dans l’échelle du temps, les magmas incandescents de l’Hadéen ne datent que d’hier, et constituent la toile de fond du développement de l’implantation humaine qui se transmute comme le métal au temps des mégalithes anthropomorphes, en formes supérieures d’intelligence préfigurant nos temps contemporains … Mais ce n’est là qu’une allégorie : à chacun de trouver le sens véritable de cette toile, car par delà ses références au réel (ou à « l’illusion du réel »), il s’agit avant tout pour moi d’une quête métaphysique (peut-être même ontologique) !
« Magma aux plaques d’airain », détail : « Une allégorie, c'est une description ou un récit qui présente en soi un sens immédiat suffisant, mais dont les éléments recèlent des valeurs symboliques qui fondent son sens second, son sens intentionnel, tout étranger au premier »
La seconde toile a plus intentionnellement rapport au volcanisme, aux notions relatives du temps, de l’espace, de la naissance de la vie à la surface du globe et de l’émergence de la pensée : il s’agit également d’une allégorie, et je me fiche totalement des grands courants d’expression artistiques actuels en dehors desquels je m’inscris !
Ce qui m’intéresse c’est-ce que je peux réaliser avec du sable, des pigments, et des liants acrylo-vinyliques : créer des notions de mouvement, d’éléments flottants dans l’espace malgré leur « pesanteur » apparente, d’objets paraissant avancer en avant du tableau (« … la profondeur est toujours neuve, et elle exige qu’on la cherche, non pas « une fois dans sa vie », mais toute une vie*), des traces de mémoire, des traces de passage, des empreintes graphiques devenues vestiges vivants d’une présence indéfinissable …
Je veux que ma peinture soit le moteur d’un véhicule qui nous emmène sur d’autres territoires .
Ici le voyage est ailleurs, dans une autre projection, mais aussi contenu tout entier à l’intérieur de celui qui rencontre le tableau, si cette « rencontre » existe vraiment !
« Le chemin des énergies » 60 x 60 cm Alain MARC 2009 (celui-ci est le plus récent, à peine assez sec pour le photographier !)
« Le chemin des énergies », détail . On remarque mieux en observant la toile de près que la matière est incandescence, de cette incandescence qui anime la peinture lorsque la matière par le biais des glacis, des superpositions, des patines, des scarifications et des repentirs devient matérialisation de la pensée : il est un moment où le peintre seul est apte à savoir si ce stade est atteint, car lui seul sait sous quelle forme sa pensée doit se matérialiser pour être conforme à sa réalité .
Il me faut personnellement beaucoup de temps pour réaliser une toile, car je considère cette réalisation comme une opération d’alchimie …
« Le chemin des énergies », détail . La notion de transformation liée au passage du temps et à l’apparition d’autres formes de réalités se retrouve souvent dans mes toiles : symboles graphiques (sabliers, outils de tamisage, instruments divers, etc.) mais aussi traces d’usure, de corrosion, d’oxydation, de superposition de traces par d’autres traces,
… et la perte de tout repère dans la chronologie des traces et des empreintes, car seule compte l’aventure du vivant qui se perpétue dans le souffle du temps et qui puise sa réalité dans le regard de celui qui observe la toile : la vie même est extérieure à la peinture, mais la peinture est là pour en accentuer la conscience .(« Le chemin des énergies », détail ).
« L’art n’est pas construction, artifice, rapport industrieux à un espace et à un monde du dehors . C’est vraiment le cri inarticulé dont parle Hermès Trismégiste, « qui semblait la voix de la lumière » . Et, une fois-là, il réveille dans la vision ordinaire des puissances dormantes un secret de préexistence .* » * Merleau-Ponty « L’Œil et l’Esprit » 1985