Aquarelles abstraites à découvrir en milieu souterrain ... (B)
Je vous ai raconté dans le dernier article notre arrivée dans cette profonde cavité …
Ici, le temps s’est arrêté et on ne voit pas les heures passer .
Pourtant, il faut avancer si on veut aller jusqu’au lac dans le réseau inférieur .
Je voudrais explorer de tous les côtés à la fois car des couloirs assez considérables partent régulièrement à droite et à gauche du principal couloir où nous cheminons : ce sont certainement des affluents du cours d’eau qui a creusé le tunnel où nous nous trouvons ?
Étrange balcon d’orgues de calcite bleutée qui retombent en cascade au dessus de nous de part et d’autre d’une superbe rotonde minérale !
Plus loin un peu d’escalade vient varier le parcours, et c’est le passage d’un ressaut de quelques mètres qui nous permet de nous enfoncer dans la partie la plus profonde de notre visite . Ici le nombre de colonnes, de stalactites et de stalagmites est si important qu’elles constituent un véritable bosquet minéral à travers lequel nous faisons grand nombre de photos, et où je m’installe à nouveau pour quelques aquarelles à la limite de l’abstrait, mais je n’ai même pas commencé que mes camarades sont déjà bien avancés et je me dépêche pour les rattrapper .
L’enchaînement des draperies, des colonnes, des concrétions qui descendent vers le sol ou se projettent vers le plafond sont autant de flammes étincelantes et colorées qui dansent dans la lumière de nos frontales et de nos lampes, sur fond d’ombres bleutées … (Aquarelle Alain MARC 24 x 32 cm)
Nous progressons rapidement . On voudrait courir, voler ! La chance d’être dans un autre monde si proche et lointain à la fois, si féerique dans sa singularité, nous transporte d’émotion et de joie . Il en est toujours ainsi pour moi depuis ma plus tendre enfance et mes premières aventures souterraines sur les traces de mon père et de ses amis dont la référence à l’époque était Norbert Casteret .
Bientôt le silence est troublé par le bruit de gouttes qui tombent à intervalles plus ou moins régulier à la surface d’un plan d’eau . C’est une musique légère, raffinée comme une mélodie orientale, mystérieuse, gaie, et cristalline .
Nous savons bien avant de le voir, que nous sommes arrivés au petit lac qui annonce l’ultime but de notre randonnée .
Mon copain fait une acrobatie au dessus de l’eau pour me photographier au bord du petit lac : j’aime bien ces reflets de lampes qui sont comme des étoiles qu’on aurait apprivoisées et qui flotteraient dans un espace où les différents états de la matière se rencontreraient …
Et puis on fait le silence, on éteint toute lumière, on ne bouge plus pour n’être qu’en écoute de ces petites gouttes qui tissent dans l’obscurité les draperies de pierre et les fragiles tubes de calcite transparents comme du verre .
- Qu’ils sont loin les projecteurs bariolés des grottes touristiques qui font se pâmer les foules blasées d’un monde d’assistés, alors que sous leurs pieds la vie secrète des profondeurs de la terre continue de nous émerveiller en nous apprenant le respect pour la beauté d’une nature qu’il ne faut jamais dégrader !
Peindre dans la solitude des profondeurs du causse, au cœur d’une nuit éternelle qui contient à elle seule toute l’histoire de nos origines, entouré des couches sédimentaires des mers primitives est un privilège rare, générateur d’un intense bonheur !
Même si les chefs d’œuvre ne sont pas au rendez-vous, les aquarelles qui en naissent sont autant de lettres d’amour entre cet univers que j’aime et mes rêves d’infini, enfantés par la déesse mère, la déesse terre, que les hommes préhistoriques les premiers, par le chamanisme avaient choisie
pour se dépasser …
Avant de remonter, une dernière fois regarder la lumière de la lampe le visage à même le sol, voir s’animer ces obscures merveilles pour les sentir vivre, les sentir « respirer » et lui dire mon amour et mon respect, dans la tiédeur de la minérale poussière où nous retournerons un jour à jamais .