… À la rencontre de la civilisation des Treilles .
Des semaines que nous n’aviez aucune nouvelle : c’est que j’étais loin de tout !
Même le téléphone a un jour fini par ne plus passer .
Aller à la rencontre d’une civilisation lointaine, comme cela, sac au dos (qui plus est, lourdement chargé par de l’eau et des vivres pour quelques jours) avec pour seuls repaires les documents de quelques spécialistes, je savais que ce ne serait pas si simple que cela …
Je me raccrochais dès le départ à l’espoir de ramener quelques aquarelles singulières . En voici quelques-unes extraites de mon carnet, et le récit très succinct de cette aventure .
Je passe sur le début du voyage et l’approche dans une profonde vallée où j’étais déjà allé en repérages plusieurs fois depuis
quelques années, encore plus mystérieuse quand se dissipent les brumes et que le soleil dégage les falaises et les hauts plateaux qu’elles défendent .
Tout en bas, ce ne sont pas tellement les rapides qui empêchent l’explorateur d’accéder aux plus bas étages des terrasses envahies de la végétation montant à l’assaut du plateau : ce sont ces falaises surplombantes particulièrement difficiles à franchir, et il faut parfois faire de grands détours pour trouver leurs points de faiblesse ! Mais l’ambiance grandiose des gorges, le bruit de l’eau, les senteurs d’essences innombrables, les chants d’oiseaux, font oublier la fatigue et les difficultés du parcours . (Aquarelle Alain MARC)
Les oiseaux, justement : j’en ai dessiné deux, dans leur plumage aux éclatantes couleurs, mais nombreux sont ceux aux livrées multicolores qui chantent et volent au fond de la vallée, tandis que de grands vautours aux ailes sombres comme la nuit tournoient en silence au dessus des plateaux … (Aquarelle Alain MARC)
La suite, c’est la montée vers le plateau et la recherche des indices de la civilisation des Treilles …
Là-haut tout change par rapport à la vallée : paysage de steppes arides, brûlées par le soleil, mais plusieurs éléments ne trompent pas : je suis bien sur le territoire de l’un des groupes des Treilles ! (Aquarelle Alain MARC)
Cependant, nulle âme qui vive . Je continue donc mon chemin droit devant, bivouaquant là où je me trouve lorsque la nuit tombe .
(Photo Alain MARC)
Ainsi les jours passent jusqu’à ce que j’arrive de l’autre côté du vaste plateau en bordure d’une nouvelle falaise dominant un très profond ravin . J’y découvre d’étranges vasques remplies d’eau taillées dans le rocher, mais nul passage pour descendre dans le canyon . (Photo Alain MARC)
Ce soir-là l’orage monte à l’horizon, le soleil va se coucher, et je dois rapidement chercher un abri pour la nuit … (Photo Alain MARC)
C’est alors que je remarque à quelques mètres en dessous du bord de la falaise, juste un peu plus loin, l’entrée d’une cavité protégée d’une murette, en vertigineux balcon au dessus du vide !
Elle me parait accessible en désescalade, et quelques minutes plus tard, je deviens le nouveau propriétaire des lieux … (Aquarelle Alain MARC)
La vue de mon balcon sur les falaises avoisinantes est extraordinaire ! L’ombre bleue du crépuscule monte à l’assaut des derniers lambeaux de soleil, l’orage à l’horizon ne cesse de rougeoyer, et j’installe mon bivouac pour la nuit . En préparant mon repas du soir, je savoure le confort et la sécurité de l'endroit : aucune humidité, un sol parfaitement plat, j’oublie tout le reste du monde … (Aquarelle Alain MARC)
Ma nuit est bercée par des chant de criquets ou de grillons aux mélodieuses sonorités venant du plateau et montant de la vallée .
On entend régulièrement le cri de quelque chouette et plus proche, d’un hibou à la voix grave et assourdie . Le front d’orage a disparu . Je m’éveille vers 4 h 30 du matin pour regarder le ciel
depuis le fond de mon duvet à travers l’entrée de mon abri : la constellation d’Orion illumine la voûte céleste juste au dessus du muret de pierres sèches : le spectacle, magnifique, est d’une
immense poésie ! Je me rendors comblé par autant de beauté … (Photo Alain MARC)
Le soleil est déjà haut quand je me réveille en sursaut : ce n’est pas lui qui m’a tiré de mon sommeil, mais d’étranges bruits qui
montent des falaises en dessous de mon abri . On entend des voix d’enfants et d’adultes mêlées, et une odeur de fumée arrive jusqu’à moi . Je m’habille précipitamment et décide de descendre vers
eux . - Serait-ce une tribu du groupe des Treilles au dessus de laquelle j’ai dormi ? (Photo Alain MARC)
C’est plusieurs heures plus tard que la réponse m’est donnée . J’ai réussi à me frayer un chemin dans l’épaisse végétation d’une ravine plus à l’est . J’ai été vers eux en n’en menant pas large sur mon sort, mais je sais que les groupes des Treilles de ce côté-ci, ne sont pas agressifs et cultivent les échanges avec les étrangers . C’est dans une vaste caverne, que je ne voyais pas depuis mon logis, que le groupe est installé . Cette communauté élève un petit troupeau de brebis et de chèvres dans un enclos en terrasse protégé par le vaste porche de calcaire rouge dominant l’entrée …
Je suis bien accueilli . Les heures que je passe avec eux sont inouïes . Il s’agit de la tribu des Revénols, l’une des plus pacifique qui soit . Ils sont de petite taille, (autour d’un mètre cinquante pour la plupart d’entre eux), semblent très robustes, la tête paraissant légèrement allongée aux chevelures tressées rousses et blondes (parfois châtain ou brunes), les femmes y sont très belles, avec de superbes parures, et leur mode de vie comme parfaitement bien organisé, les taches se répartissant entre les différents individus du groupe . Leurs peintures corporelles utilisent l’hématite et l’ocre autant que l’argile jaune et la poudre de dolomie . Je suis ébahi par leur ingéniosité : ils ont creusé et aménagé de petits bassins dans les endroits humides de la grotte pour recueillir l’eau suintant de la voûte !
Ils excellent dans l’art des céramiques, du tissage et de la vannerie . Leurs armes de chasse sont surtout constituées de beaux poignards de silex à dos poli, d’arcs, de flèches et de javelots aux pointes de chaille foliacées et pédonculées, et leurs haches polies de dure pierre verdâtre et noire sont solidement fixées sur des gaines de bois de cervidés . On dirait qu’ils ne disposent que de très peu d’outils, éléments de parures ou d’armes de métal plus élaborés . Ils cuisent une sorte de pain fait de céréales broyées grâce à des meules de grés, et de grandes nasses d’osier appuyées le long des parois laissent deviner que leur talent de pêcheurs ajoute du poisson à la variété de leurs menus …
Je pourrais vous parler longtemps de la tribu des Revénols . Elle est caractéristique de la civilisation des Treilles pour laquelle je suis venu ici … Mais je préfère vous confier les deux pages qui suivent retirées de mon carnet .
Je reviendrai dans le prochain article sur cette étrange aventure, je vous en donnerai les clés .
En attendant je vous laisse avec ces souvenirs qui ne sont que quelques notes sur des bouts de papier, mais qui n’ont été possibles que par le plaisir de peindre pour ne rien oublier …
Il m’aurait fallu un carnet tout entier et beaucoup plus de temps pour tout bien noter . Mais j’ai pris ce qui me frappait le plus et était le plus à ma portée : ici quelques objets de parures et l’une de celles qui les portait ..(Croquis Alain MARC)
Un autre coin de cette page avec ce qui m'a beaucoup étonné : une sorte de baudrier en lanières de cuir tressé, généralement porté par les hommes (ici c’était une jeune femme qui le portait) au devant duquel était fixé un étui contenant un objet que j‘ai pris pour un poignard, mais qui pouvait aussi être une pendeloque ou une amulette de grosse taille, je ne saurai jamais . (Croquis Alain MARC)
Une partie du groupe à ses occupations quotidiennes tels que je l'ai rencontré . Les enfants s’étaient cachés . Une femme un peu à l’écart serre contre elle un bébé . (Aquarelle Alain MARC)
Détail de l'aquarelle précédente . (Aquarelle Alain MARC)