De la civilisation des Treilles à notre réalité …
Où en suis-je déjà ?
… Ah oui, dans l’extraordinaire grotte de la tribu des Revénols !
Envoûté par ces indigènes qui m’accueillent, sont en apparence si différents, et pourtant nous ressemblent tant . Un témoignage bouleversant d’humanité en marche . Une vaste et inexorable ascension, venue à travers eux depuis le fond des âges s’ancrer au coeur de nos entrailles, c’est bien cela que je ressens . Soudain, sans l’avoir vu arriver en face du vaste porche de roche compacte, le soleil entre dans la cavité, s’empare de l’abri, enveloppe toute chose, tout être, et je suis inondé de lumière jusqu’à l’éblouissement, je n’arrive plus à voir où je suis, je perds tout repaire, aveuglé, étourdi, balayé par un vertigineux tourbillon d’énergie qui me projette au sol .
Soleil levant sur le causse
(détail Aquarelle Alain MARC)
Je me cogne violemment et suis en train de perdre conscience lorsque je perçois le chant d’un oiseau, d’une étrange pureté, sublime sensation des
bruits de la nature qui pénètrent mon esprit avant même que j’ai pu rouvrir les yeux …
Ma première réaction en les ouvrant est de détourner mon regard de cette lumière qui m’aveugle et de m’apercevoir que je suis dans mon duvet !
Ainsi donc ce n’était qu’un rêve, et c’est bien le soleil qui m’éveille : je suis toujours dans mon abri rupestre en haut des falaises, mais je reviens d’un incroyable voyage dans le temps …
Le soleil qui m’a réveillé entrant dans ma grotte suspendue .
(Photo Alain MARC)
Si je vous ai fait partager cette expérience, c’est que par delà sa portée symbolique, elle démontre combien, par la force du rêve, le «voyage»
est possible à chacun de nous .
Car tout voyage commence par un rêve, par le désir de se projeter dans un «ailleurs» apte à nous nourrir d’un renouvellement de notre être qui s'affirme par la projection de notre regard sur d’autres horizons, d’autres espaces, d’autres accomplissements . Il suffit de le vouloir de tout son cœur, de toute son âme . Les chemins nouveaux sont aussi vecteurs de joie de vivre, d’enthousiasme d’entreprendre, et de capacité à transformer toute chose, toute idée, en opportunité de réussir, d’innover, de liberté d’être, d’aimer et de construire même avec des moyens très réduits, quel que soit le rêve que nous portons en nous . Quel que soit le «voyage» auquel nous aspirons . Tout est dans la force de l’esprit et dans notre aptitude à la transmettre autour de nous, à la partager et à l’amplifier avec autrui .
Ce que je ne vous avais pas dit, c’est que la grotte traverse la falaise,
et que la vue du deuxième balcon de mon «logis en plein ciel» était aussi belle que depuis le premier … (Aquarelle extraite du carnet «Aven Noir, carnet d’exploration» d’Alain MARC
)
C’est pour cela que vous avez été nombreux à me suivre avec autant d’enthousiasme dans cette expérience qui m’a réellement emmené plusieurs jours loin de chez moi . Pas «loin»
géographiquement, certes, (à peine plus d’une heure de voiture pour le point de départ de ma «randonnée») mais loin, très loin dans le pays de l’imaginaire, du rêve et de la poésie qui font aussi
partie des frontières de l’absolu .
La même vue, vertigineuse et infinie, depuis la «terrasse» d’accès à ma grotte . Les deux petits points au milieu des brumes sont des hirondelles de rocher qui chassaient au ras des falaises jusqu’à me frôler le visage parfois . Ici les animaux n’ont pas peur de l’homme, et si on sait se fondre dans la nature, la respecter avec humilité, entrer en connivence avec elle, se faire oublier, elle nous offre alors de sublimes et émouvants cadeaux … (Photo Alain MARC)
Bien sur l’aquarelle, le croquis, y ont contribués, car ce sont des supports qui permettent avec peu de moyens et une certaine «facilité» de
matérialiser ces éléments, aussi insaisissables qu’ils soient .
Dans cet article, je tiens aussi à démontrer que le réel peut se décliner, se vivre et se traduire dans de nombreux niveaux de perception .
Je vous reparlerai de la façon dont je conçois tout cela plus tard, mais pour l’instant, voici quelques «clés» sur la façon concrète dont j’ai réalisé cette expérience :
- 1) le but : il était pour moi à travers des repérages destinés à compléter ma connaissance des gorges, canyons et grands causses qui entourent l’Aven Noir, d’y réaliser quelques aquarelles destinées à en illustrer les extérieurs (pour mon fameux carnet d’exploration, toutes les aquarelles publiées dans ces 2 articles en font partie), dans de véritables conditions de découverte . Car c’est en sortant des sentiers battus qu’on peut apercevoir ce qui est à la fois rare et beau .
Il fallait donc que je sois le moins possible tributaire des routes, chemins et sentiers qui sillonnent la région . Heureusement qu’elle est restée relativement authentique, peu peuplée et suffisamment isolée pour pouvoir réussir un tel projet . La nature y est grandiose et étonnamment sauvage .
Hors je vous assure que si vous partez en réelle autonomie depuis le fond des gorges (Jonte ou Dourbie), gravissez les quatre à cinq cent mètres de dénivelé qui le séparent du plateau, puis le traversez avec ses ravins et dépressions pour vous rendre jusqu’à ses confins face au Causse Bégon et aux pentes du Mont Aigoual, vous en aurez pour quelques jours !
Le cours de la Dourbie, point de départ de mon voyage, tantôt calme dans les «planiols», tantôt tumultueux dans les rapides, est un idyllique havre de paix . Malheureusement, la surfréquentation
touristique qui ne tient aucun compte des équilibres naturels fait fuir castors, loutres, oiseaux nicheurs des berges et autres animaux craintifs de plus en plus loin, jusqu’à les faire
disparaître en de nombreux endroits . …Quand je pense aux précautions que je prends pour ne troubler aucun espace naturel, je me sens très triste et impuissant devant tant de destruction, même si
je comprends le besoin bien légitime de baignades insouciantes et du camping sauvage non raisonné, inconscient de ses conséquences sur l’environnement au plus chaud de l’été … (Aquarelle extraite
du carnet «Aven Noir, carnet d’exploration» d’Alain MARC )
Il faut dire que les gorges sont superbes et que leur cadre grandiose, leur lumière, leur parfum de senteurs sauvages méditerranéennes, leur fraîcheur en été, ont depuis toujours attiré l’homme pour y vivre et y développer ses activités … (Aquarelle directe - sans dessin préalable - extraite du carnet «Aven Noir, carnet d’exploration» d’Alain MARC )
Mais les milieux naturels en sont pour moi la priorité, ils en sont même le principal trésor qu’il faut à tout prix préserver : car si certaines espèces migratrices venant des pays chauds comme le loriot continuent de se fondre à la cime de la ripisylve, d’autres tels le guêpier d’Europe ne font plus que passer pour aller nicher dans des berges plus sauvages en amont ou vers les vallées de la Jonte et du Tarn … (Aquarelle extraite du carnet «Aven Noir, carnet d’exploration» d’Alain MARC )
Écoutez cet enregistrement du chant des oiseaux que j’avais fait près d’un rapide de la Dourbie un matin du début de l’été, vous
comprendrez combien on peut s’imaginer, en fermant les yeux et en se laissant porter par un tel environnement sonore, être dans une lointaine, très lointaine contrée !
Ciel étoilé et nébuleuses au dessus des gorges et du Causse Noir une nuit d’été : rêves d’infini illuminant nos yeux … (Aquarelle extraite du carnet «Aven Noir, carnet d’exploration» d’Alain MARC
)
L’enregistrement sonore qui va avec . Je l’ai réalisé presque au même endroit que le précédent, il y a une semaine à peine, à quatre heures trente du matin… La constellation d’Orion était juste
dans l’axe de la vallée, fermez encore les yeux et écoutez, vous entendrez la nuit vous envelopper de ses ailes de velours ! (C’est le chant des grillons d’Italie et de la chouette hulotte qui se
mêlent à l’eau coulant sur les galets de la Dourbie) .
- 2) la civilisation des Treilles : j’avais aussi en partant, un autre projet (toujours dans le même but d’enrichir mon carnet) : retrouver quelques grottes où le groupe néolithique des Treilles avait vécu et même déposé les sépultures de ses morts . J’en connais déjà quelques unes, mais pas sur le secteur que je voulais visiter . (- Peut-être un jour, dans l’Aven Noir ou ses ramifications, découvrirons-nous également des vestiges de cette civilisation ?) … Il fallait que je «m’ imprègne» de leur «mémoire» pour mieux parler d’eux et de cette éventualité !
La civilisation des Treilles a réellement existé dans les Grands Causses du Néolithique final au Chalcolithique (ainsi nommée par différents préhistoriens, particulièrement G. Constantini qui en a étudié les principaux éléments culturels à partir de la grotte éponyme des Treilles située dans la commune aveyronnaise de Saint-Jean et Saint-Paul) .
Quant à la tribu des «Revénols», je l’ai «nommée» ainsi car la grotte où je l’ai rencontrée dans mon rêve (c’était bien le 26 août mais sans doute …2009 avant notre ère !), se situe sur la commune de Revens, à la limite du Gard et de l’Aveyron .
L’un des nombreux mégalithes que l’on peut attribuer au groupe des Treilles . Il y en a beaucoup sur le Causse Noir, et certains endroits à leur proximité dégagent réellement une énorme charge
émotionnelle : - quel était leur rôle exact ? Je consacrerai plus tard différents articles à une civilisation apparentée (ou du même groupe ?) qui a donnée à un causse voisin une dimension
complètement mystique, particulièrement troublante, mystérieuse, envoûtante, où le culte de la féminité (à travers la «déesse mère» ?) parait omniprésent … (Croquis extrait du carnet «Aven Noir,
carnet d’exploration» d’Alain MARC )
Les spécialistes attribuent les statues menhirs du Rouergue et Grands Causses à la civilisation du groupe des Treilles . Elles sont particulièrement émouvantes et troublantes elles aussi . Allez les voir au musée Fenaille de Rodez où elles sont merveilleusement présentées : vous en serez bouleversés, d’autant plus que c’est ici la plus belles collections au monde de ce type de mégalithe ! (Croquis extrait de la page 198 du livre «Aveyron, Carnet de routes» d’Alain MARC paru aux Éditions du Rouergue)
- 3) Le rêve : je ne vous ai jamais parlé de mes rêves, encore moins de mes rêves «visionnaires» ou prémonitoires . Seuls quelques proches ou
amis intimes savent que cela m’arrive parfois, je veux bien passer pour un rêveur, mais pas pour un … illuminé (je préfère l'être par le soleil) ! Maintenant peu importe ce qu’on pensera de moi …
Cependant ils m’ont souvent permis de vivre des moments complètement magiques, grâce à l’aquarelle et au dessin qui m’ont aidés à les mémoriser et surtout à en reproduire les images les plus
caractéristiques dans l’immédiateté de l’éveil (je me lève parfois la nuit pour prendre des notes et dessiner, peindre, lorsque l’un d’eux le nécessite, avant de me rendormir) . J’ai ainsi pu
«visualiser» des lieux que je ne connaissais absolument pas où je me suis rendu des années plus tard, ou rencontrer des gens que je retrouvais dans d’autres rêves régulièrement .
Il faut dire que j’ai un temps suivi certains préceptes rapportés des indiens Yaqui par Carlos Castaneda (le fameux anthropologue si logiquement controversé), indiens dont les chamans ont le pouvoir d’agir à l’intérieur du rêve lui-même, et j’ai pu constater que pour moi «ça marche», au moins partiellement, je dirai même «jusqu’à un certain point» !
Alors pas étonnant que je sois aussi sensible à «la mémoire des lieux» et que je puisse me souvenir ici de certaines images de ce rêve / voyage «préhistorique», même si dans le cas des aquarelles le concernant j’ai vérifié que mes dessins soient à peu près en conformité avec les objets de fouilles exposés dans différents musées régionaux (le reste est pure imagination, sauf peut-être les tatouages ou peintures corporelles bien visibles sur certaines statues menhirs attribuées à cette civilisation) !
La vaste grotte hématite de mon rêve où s’abritaient temporairement des tribus du Groupe des Treilles . Une grotte voisine, plus difficile d’accès en falaise a servi de grotte sépulcrale à la
phase finale du Chalcolithique, et a livré comme celle-ci d’intéressants témoignages sur la vie des homme et des femmes qui les fréquentaient . (Photo Alain MARC)
- 4) les aquarelles : hormis celles dont je viens de parler, elles correspondent à ce que j’ai vu et vécu dans les Gorges de la Dourbie et sur le Causse Noir . L’abri dans la falaise, la grande grotte des «Revénols», les hautes falaises, la rivière encaissée, les oiseaux multicolores de mes aquarelles (loriot et guêpier) existent réellement . J’en dessine aussi des différents dans mon carnet d’exploration de l’Aven Noir, avec d’autres animaux superbes qui vivent dans son environnement (insectes rares, papillons, mammifères peu communs, etc.) .
Les papillons et fleurs rares support de rêves et de beauté : ceux du site et la flore associée seront aussi pour la plupart dans mon carnet . L’hespérie de la Houque comme l’ascalaphe ne cessent de me fasciner, quant au Sylvain azuré, qui parait triste et sombre sur le dos de ses ailes, il se pare d’un bleu profond et soyeux si on l’observe sous les reflets du soleil . La face antérieure est colorée d’un bel orange cuivré . On le trouve sur le pourtour méditerranéen et du centre de l’Europe à l’ouest de l’Asie, jusqu’en Iran, Syrie, Caucase ; avec les modifications climatiques actuelles il a tendance à remonter vers le nord . (Aquarelle extraite du carnet «Aven Noir, carnet d’exploration» d’Alain MARC)
En conclusion, «rêvez» votre réalité en la transcendant et «réalisez» vos rêves en les projetant dans la réalité, vous verrez alors le monde
changer autour de vous parce que vous serez vous-mêmes en train de vous transformer …
Et ce n’est pas qu’utopie : pour le seul secteur de l’Aven Noir, sans l’inspiration insensée et l’opiniâtreté du découvreur de ses nouveaux réseaux (R. Pélissier pour ne pas le nommer, à l’origine des demandes de classement du site par les collectivités locales auprès des DIREN Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon), le site ne serait pas en train de se valoriser comme il est en train de le faire (lignes électriques enterrées, architecture sauvegardée, protection des espaces naturels renforcée, voies de communication améliorées, tourisme mieux encadré, etc.) …
Voilà pour la civilisation des Treilles, et sa rencontre féerique entre rêve et réalité …