La neige tombe à nouveau à gros flocons sur la jolie maison d’hôtes de La Fresse à l’orée de la forêt …
Pourtant nul n’aurait imaginé que ce nouveau manteau blanc allait recouvrir en quelques minutes seulement le paysage ensoleillé où l’épaisse couche de neige des mois passés fondait à vue d’œil tandis que nous profitions comme nous ne l’avions jamais fait de la magie des lieux .
Dès le matin le soleil illuminait nos petits déjeuners, nos donnant autour de la table de Christiane COLIN entrain et bonne humeur pour toute la journée !
Car il faut bien le dire : lorsque le printemps pointe ici le bout de son nez c’est une véritable fête qui commence par le réveil de la nature, un «je ne sais quoi» d’enchantement lié au chant des oiseaux, à la poussée des perce-neiges, des crocus et des jonquilles, à la lumière éblouissante du soleil se réfléchissant sur la neige et du ciel bleu au dessus des sapins !
C’est à cette sorte de bonheur que nos aquarelles étaient conviées toute la semaine lors du dernier stage consacré aux paysages et ambiances de neige en Jura Oriental à partir de la chaleureuse maison de Christiane COLIN, une session exceptionnelle en touts points de vue .
Inutile de dire qu’ils pourraient regretter ceux qui n’étaient pas venus si le stage une fois de plus n’avait été depuis longtemps complet …
Pourtant cela «refroidit» un peu d’imaginer qu’on va peindre dans la neige, la froidure et le vent lorsqu’on peut à cette saison aquareller dans le confort douillet de l’atelier ou à l’ombre de quelque palmier sous les alizés ?
- Que nenni !
En tout cas pas ici …
Bien sûr je vous reparlerai un jour de ces tours de main et autres petites ou grandes astuces qui font le secret des paysages de neige réussis, de l’atmosphère des ambiances hivernales où la plupart des véritables peintres de terrain se sont essayés .
Mais avant tout je vais vous dire la chance que nous avons de pouvoir le faire dans un aussi bel et tranquille endroit : le charme du lieu d’accueil, la beauté des sites environnants, la délicieuse cuisine de la maîtresse de maison font un cocktail unique d’éléments positifs impossibles à décrire en quelques mots pour qui a eu la chance de peindre ici .
Gestes simples mais experts et efficaces de Christiane COLIN partageant l’un de ses plats délicieux avant de nous en servir les parts pendant que nous mangions dehors devant la porte de sa maison sous un soleil éclatant...
Puisque nous parlons des délices qu’elle nous prépare tous les jours, voici la photo du pique-nique des Cernoniers sur un îlot entièrement déneigé où entre autres saveurs elle nous avait préparé une terrine fameuse que nous avons dégustée en bras de chemise, entourés de neige dans une étonnante chaleur, de quoi reprendre nos aquarelles avec encore plus d‘ardeur !
En ce qui concerne cette session, l’exceptionnel beau temps dont nous avons bénéficié en a fait un séjour d’une telle qualité que je décide donc d’y consacrer cet article et de vous le faire partager .
Les Cernoniers justement, ce sont deux ou trois maisons de montagne typiquement francomtoises avec leur énorme "tuyé" et leur habillage de bois près d’une petite chapelle sur une crête au milieu d’une clairière (motif extrait de "D’hiver en été en Saugeais et alentour").
Il n’y avait d’ailleurs pas qu’aux Cernoniers que la neige fondait : à La Drayère l’herbe reprenait ses droits dans le contre-jour sur tous les versants au sud. En illustration : première de couverture du carnet "D'hiver en été, exercices d'aquarelle autour de La Fresse en Saugeais" (voir extraits en cliquant sur l'image) !
Comme vous le savez peut-être l’un des principaux objectifs de ce stage est tout en utilisant les bases de l’aquarelle, de réaliser rapidement des motifs aptes à traduire l’atmosphère des lieux enneigés, l’esprit d’un paysage d'hiver, l’âme d’une architecture typique de cette région montagnarde ou d’un endroit particulier en cette saison (préceptes tout à fait applicables au personnage ou aux animaux dans un tel contexte d‘ailleurs) .
C’est une peinture de l’instant qui se veut simple et d’une approche la plus accessible possible, débouchant sur un outil au service du carnettiste, de l’aquarelliste en quête de moments privilégiés sur le motif, ou du peintre recherchant une connivence synthétique avec le sujet traité en extérieur pour «inspirer» son travail d’atelier grâce à son vécu et ses pochades de terrain .
C’est au bord de l’eau que nous avons retrouvé un peu de fraîcheur : le plaisir de peindre un cours d’eau aux rives enneigées est immense quand on applique quelques astuces permettant de traduire l’atmosphère des lieux sans se casser la tête ni y perdre un temps fou .
L’aquarelle terminée tout devient très simple : seule la neige et ses effets permettent une telle candeur ! (motif extrait de "D’hiver en été en Saugeais et alentour").
Ici deux d’entre-nous travaillent au soleil face au magnifique lac Suisse des Taillères entièrement gelé : immense, éblouissant, et …pas un nuage dans le ciel !
Près du lac des Taillères dans la vallée de La Brévine la bruyère se débarrasse de la neige en cette saison au pied des bouleaux, sujet idéal pour travailler en synthèse ce rapport de formes et de couleurs si particulier .
Je réaliserai les ombres portées sur la neige plus tard . En attendant j’exalte les couleurs et j’harmonise la linéarité des essences végétales en rééquilibrant le plus possible la rythmique des graphismes …
C’est aussi une forme d’expression qui s’oppose souvent à «l’aquarelle de tableau» car les motifs ainsi réalisés ne sont pas destinés à être encadrés et accrochés sur des cimaises où à un mur (bien que certains puissent l'être tant sont grandes leur valeur créative, technique, plastique et - ou - décorative) mais à rester dans une dynamique du vivant se situant «au plus proche de la mémoire du vécu dans l’instant» ce qui explique son intérêt en carnet de voyage .
Tout cela le plus rapidement possible, sans complications ni démarche technique sophistiquée, en appliquant des méthodes ludiques où la plus importante des sensations est déjà de «se faire plaisir» .
Les travaux ainsi réalisés ont donc à mes yeux plus de «valeur mémoire» et de force de projection liée à la capture des plus subtiles nuances du temps qui s’écoule et des émotions qui lui sont liées que toute autre forme de réalisation picturale (souvenez-vous des croquis, aquarelles et lavis de nos maîtres préférés ou grands classiques dans leurs principaux carnets de terrain, Delacroix et Turner en tête pour ne citer qu’eux !) .
Les pistes de ski de fond reliant la GTJ au domaine skiable du Saugeais sont à nos pieds lors de cette séance à la frontière franco - suisse, et c’est un régal si on a fini assez tôt de reprendre bâtons et spatules pour glisser dans cette neige de printemps qui commence à regeler dès que les ombres s’allongent, alors que la glisse se fait plus grisante au creux de l’air vif …
Avant de rentrer, s’arrêter une dernière fois dans la combe de La Fresse pour peindre très vite avant que le soleil ne se couche dans la lumière du soir !
Ce sont des moments magiques qu’il faut capter rapidement .
Quelques minutes suffisent pour traduire le blanc manteau bleuissant par des ombres immenses qui rendent irréel l’instant (motif extrait de "D’hiver en été en Saugeais et alentour")…
Afin que vous compreniez mieux ce type d’application sur le motif et pour terminer ce billet lors d’un deuxième volet, je consacrerai le prochain article au résumé de l’un de mes «cours de terrain» vécu pendant ce stage, cours qui est justement axé sur l’analyse d’un sous-bois enneigé pour en tirer un motif synthétique le plus épuré, simple et expressif possible .
Même si vous ne pourrez pas suivre la démonstration le concernant ni les exercices qui suivent, je pense que le résumé que j’en ferai vous intéressera que vous soyez ou non adepte de ce type de démarche car elle n’en est pas moins créative que toute autre .
À très bientôt donc, pour la suite et la fin de ce billet consacré à notre magnifique semaine à la neige ensoleillée du Jura Oriental, et si vous voulez y participer, cliquez ici pour m'en demander les conditions ?