De l’oasis de Tleta-Tagmoute au Haut-Atlas occidental ...
Fin de la piste de lumières roses et descente vers le sud à la nuit tombante .
Crochet et courte nuit à Tata avant de remonter sur l’oasis de Tleta de Tagmoute, tache verdoyante au pied de djebels particulièrement arides, en plein désert de pierres écrasé de soleil . Endroit paradisiaque s’il en est qui est longtemps resté isolé avant que le goudron ne recouvre la piste qui y passait il y a peu de temps encore . La route est d’ailleurs en cours de prolongement plus au nord afin de relier directement Tata à Taroudant par Igherm . Le paradis perdu serait-il donc ici ? En serait-ce un fragment, une parcelle, un reflet ? Commencerait-il au cœur de toutes ces palmeraies blotties au fond de gorges étroites entaillant les Djebels, au milieu des dunes du désert, auprès d’une source surgissant comme par miracle des caillasses brûlantes du reg ? J’ai souvent eu cette pensée en m’immergeant dans la fraîche et verte lumière où jaillit l’eau qui apporte la vie après les traversées assoiffantes, les moments de solitude où le sentiments de ne rencontrer aucune âme qui vive accentuait encore l’impression d’immensité, d’âpreté de l’espace environnant … Elle m’envahit à nouveau ici, au premiers pas dans la palmeraie . Sorte de bonheur, indicible, subtil et pourtant très profond qu’il faut éprouver pour vraiment savoir combien il est particulier … Une renaissance en quelque sorte lorsque la gentillesse, l’hospitalité, l’humanité des habitants de l’oasis vous accueille dans le partage, la simplicité et toute la joie du monde . Quelles leçons sur les véritables valeurs de l’existence quand ici la lutte pour la simple survie se transforme en joie de vivre ! Émouvante perception de beauté que cette jeune femme se rendant à sa parcelle de culture dans la palmeraie . J’aimerais que cette photo lui rende hommage . Je l'ai faite en tons sépia pour retrouver l’émotion que j’éprouvais enfant en feuilletant les vieux journaux de l’Illustration entreposés dans le grenier de ma grand-mère . J’aimais tant (et j’aime toujours autant) me plonger dans cette vivante mémoire du monde pour y puiser des rêves inouïs . Je m’y projette aujourd’hui avec un immense bonheur car je retrouve en ces lieux les images tout à fait magiques de mon enfance . S’ils sont si beaux ce n’est pas parce que le monde n’a pas changé (ou si peu ici où le mot « temps » a un autre sens que chez nous), mais parce que ce type de beauté est éternel et que c’est un privilège d’en avoir conscience … (Photo Alain MARC) Magnifique séance de peinture .
Traversée en randonnée de la palmeraie . L’eau ruisselle dans les petits canaux en arrosant les parcelles à tour de rôle . Les oiseaux chantent et volètent de palmier en palmier dont le vent doucement balance les palmes . En dessous, au milieu des oliviers, des grenadiers, des figuiers et de tous les autres arbres fruitiers de ce merveilleux pays, les silhouettes gracieuses et agiles des femmes aux robes noires, bleues (leur haïk, vous savez, de ce bleu inimitable et si profond qu’il ressemble à la nuit avant l’aube) ou multicolores comme des ailes d’arc-en-ciel, s’affairent et s’interpellent avec des éclats de rires dans la voix . Un âne braie plus loin, on ne le voit pas . Passages de fraîcheur et clairières de chaleur . Vous ne cheminez plus au cœur du monde, c’est le monde qui chemine autour de vous … La séance de peinture à l’entrée de la palmeraie, face à l’agadir (le plus ancien quartier du village) et ses vieux murs de pisée . (Photo Alain MARC) L’ocre des murailles . Poussière ocre sur les murs .
Les ruelles du village à nouveau . Poussière sur la route qui redevient piste car le désert régulièrement recouvre le bitume de caresses de sable que les camions croisés soulèvent en volutes chrysocales … Le vert de la palmeraie s’efface dans une brume ocre pâle et jaune de Naples . Là-bas au pied des djebels . Le haut des palmiers les plus hauts qui dépassent de l’imprécise ligne ocre disparaissent petit à petit dans le rétroviseur . Nous sommes déjà en route pour plus loin . Nouveau crochet par Tata, pour revenir sur nos pas vers Igherm au plus carrossable . Dromadaires traversant la route entre Tata et Igherm . (Photo Alain MARC) Au loin des campements nomades . Ils les ont recouverts de baches de plastique à cause des pluies des jours précédents .
Igherm c’est plus haut sur la carte et en altitude aussi . 1800m . Fortifié . Le centre administratif de la tribu des Ida Oukensous si doués pour fabriquer des armes aux décors d’argent finement ciselés . Halte non loin de là pour pique-niquer au bord de la route . Traversée sud - nord de l’Anti-Atlas . Paysages fascinants qui défilent et ne se ressemblent jamais . Avec d’autres superbes haltes dont celle, inévitable des petites chèvres qui grimpent dans les arganiers, lorsqu’on arrive dans la plaine du Sous . La plaine du Sous avec ses serres et ses cultures d’agrumes et maraîchères impressionne par sa richesse et sa fertilité plus liée à l’abondance des engrais qu’à l’eau de l’oued Sous … Souci pour la nappe phréatique . Les murailles de Taroudant qui entourent la ville et apparaissent soudain comme une vision onirique . (Photo Alain MARC) Et puis soudain, des remparts de terre ocre qui vous sautent au visage au milieu des palmiers, des orangers et des bougainvilliers . Leurs créneaux majestueux appellent à la découverte .
Comme on pouvait s’en douter ils cachent des merveilles à la rencontre desquelles nous voulons aller : Taroudant, Carcassonne marocaine, Marrakech en modèle réduit, plus vraie, plus authentique . Encore une belle séance de peinture, là, face à la grande porte de Bab El-Casbah . On se croirait au Moyen-Âge les automobiles en plus . Ou dans un décor de cinéma . Reflet du soleil qui décline sur les murailles . Qui les pare de chaudes nuances . Je revois les aquarelles de Delacroix . J’imagine des guerriers aux montures bariolées, aux armes brillantes de lumière . Dans le souk à Taroudant, une page du carnet de Dany Dangelser . Promenade au cœur du souk, vivante plongée dans la grouillante mouvance du petit peuple où tout se troque et tout se vend .
Multicolore animation des ruelles étroites tortueuses et sombres, fourmilière si captivante, que les plus distraits d’entre-nous passent à deux doigts de se perdre . Ambiance faite de sonorités, couleurs et odeurs nous renvoyant aux récits ancestraux des premiers voyageurs de l’Orient …
Rosie, elle, ébauche la porte de Bab-El-Kasbah, qui petit à petit prend forme . (Aquarelle Rose-Marie HENRY) Ici aussi le temps passe trop vite . Qui a vu Taroudant une seule fois, se dit toujours « …Je reviendrai à Taroudant ! » .
Nous, nous partons vers la montagne, sur les premières collines du Haut Atlas Occidental pas très loin d’Agadir, pour passer la nuit une fois encore sous les tentes berbères, mais dans le plus grand confort cette fois : celui d’un camping aux allure de maison d’hôtes qui porte sans ostentation son nom superbe de « Paradis Nomade », car nous y sommes fort bien reçus pour un très délicieux repas . La nuit est tombée depuis longtemps sans que nous nous en apercevions . Nous n’avons pas la force de regarder les étoiles : tant de routes et de belles choses ont été vues aujourd’hui !