Enfin l’Andalousie, sur les traces d’un mythe …
…Un mal fou à trouver des cybercafés ici, ce qui explique le silence des jours qui s’enchaînent et que nous ne voyons plus passer sous ce chaud soleil du sud, tout au bord de cette mer dont le bleu est si intense qu’il étourdit presque !
J’ai pris l’ordinateur portable avec toutes mes bases de données, les archives des anciens repérages mais ce n’est pas simple de travailler !
C’est que nous sommes au paradis et on ne voudrait pas en partir .
Ou plutôt on ne sait plus très bien où nous sommes, de quel côté de la Méditerranée nous sommes entrés dans cette notion du temps à la renverse qui nous propulse dans un rêve éveillé .
Déjà des panneaux sur la route quelques kilomètres avant d’arriver, nous laissent douter des limites de l’histoire toujours recommencée, nous rappelant d’une étrange façon que c’est ici que le royaume d’Al Andalous a débuté lorsqu’un certain Tariq venu de Bagdad, accompagné de plus de berbères que de princes guerriers du Moyen-Orient débarquait en l’an de grâce 711, sans savoir qu’il allait changer pour des siècles l’histoire et le visage de tout un pays ! (photo Alain MARC)
D’abord, il y a ces plateaux de torpeur écrasés par le soleil où l’ocre de la terre crevassée de sècheresse s’érige de monticules en dômes chérifiens, secrets écrins de son plus vital breuvage de survie .
Ce sont les indispensables et rares « pozos » millénaires, les puits protégeant l’eau, où chaque goutte est précieuse, stockée aussi dans ces « aljibes abovedados » les antiques citernes à la toiture voûtée .
Et puis le paysage, les couleurs et la nature, l’aspect des bourgs et des maisons qui nous transportent ailleurs, dans les djebels présahariens qui ont tout de commun jusqu’à leur éclatante lumière avec cette émergence africaine déposée ici comme par miracle sur les rivages si longtemps convoités par Isabelle la Catholique . (photo Alain MARC)
Un « cortijo » isolé adossé à la sierra, aux toitures en terrasses comme les maisons du maghreb, aquarelle réalisée par Yolande pendant que je faisais quelques photos . (aquarelle Yolande Gerdil)
Ruines d’une antique noria au pied de la Sierra du Romeral à quelques centaines de mètres de la plage : une ambiance très « présaharienne » qui n’a rien à envier aux djebels dénudés que traverse bien plus loin le serpent bleu et argenté du superbe fleuve Draa … (photo Alain MARC)
C’est d’ailleurs depuis le sud que nous aurions dû arriver en Andalousie : si j’aime tant le Maroc, les pentes de l’Atlas, l’incontournable Marrakech sur la route de Tanger, c’est pour mieux retrouver par delà le Détroit les terres andalouses où bruissent toujours dans le chant de ses sources les mirages perdus d’un éden onirique qui exista pourtant réellement pendant quelques siècles mythiques …
Cet itinéraire bien plus que celui qui nous amène du nord, est le plus enrichissant pour qui veut entrer en communion avec l’identité andalouse, pour comprendre quelques-unes de ses plus profondes subtilités, et saisir aussi ses différences .
Ce n’est pas le printemps sur une terrasse de l’Atlas où les palmiers dattiers ombragent les vergers, ni un oasis aux parterres de senteurs en vallée d’Ounila, mais un « huertito de vergel » (jardin de verger) au pied du « Serro des Améthystes » à quelques dizaines de kilomètres d’Alméria . (photo Alain MARC)
Ne cherchez pas sur la carte : ce coin-là personne ne le connaît à part les autochtones, mais un jour je le sais je prendrai cette route d’arrivée par le sud pour imaginer ici que l’Atlas continue et en hommage à Lévi-Provençal le génial géographe qui a su révéler l’existence de ce fil conducteur d’une même beauté des deux côtés de la Méditerranée .
Voici, émergeant d’un vent de sable qui balayait la vallée, un fortin nasride tel que nous le découvrîmes lors de mes premières incursions dans cet endroit d’Andalousie en septembre 1992 . Il défendait dans les années 1480 la route menant à un petit port tout proche aujourd’hui disparu, alors que le royaume Nasride était acculé aux avancées de la reconquête et en butte à d’autres conflits nord-africains . (photo Alain MARC)
Le paysage désertique, l’étonnante végétation subtropicale, les sierras dénudées, tout nous plongea immédiatement dans une atmosphère d’un exotisme rare que je fis partager aux stagiaires du premier carnet de voyage dans cette région quatre années plus tard .
Mes voyages répétés pendant des années à sillonner bien des pistes de cette étonnante région (l’Espagne faisant partie de ma vie depuis mon enfance - lorsque avec mes parents nous allions visiter les familles des réfugiés qu’ils avaient accueillis de ce côté-ci des Pyrénées -), m’ont permis d’en suivre l’évolution, de me réjouir des bienfaits apportés à ses habitants par les avancées technologiques et d’équipement, mais de me désoler de voir certains lieux qui auraient du être protégés aménagés à outrance pour le tourisme et l’urbanisation, créant des outrages irréversibles dans des zones à l’équilibre naturel, écologique et archéologique déjà très fragile . (photo Alain MARC)
À présent le fortin nasride photographié hier au milieu de pelouses d’herbe tendre (ce qui est très rare ici où le climat - dixit les météorologues de l‘université de Grenade - est comparable à celui de Bagdad avec plus de 3000 heure d‘ensoleillement pour 156 mm seulement d’eau par an) constellées de fleurs (il a exceptionnellement plu cet hiver nous disent les autochtones), avec sa route à présent totalement bétonnée (oui, c’est du ciment qui a remplacé la jolie petite piste sablonneuse de la photo précédente), et tout au fond la mer … (photo Alain MARC)
Pierre ne peut résister à la tentation de dessiner plusieurs fois ce paysage, et pendant qu’il s’installe face au fortin, Yolande en fait de même avec un autre point de vue, tandis que je vais explorer les entrailles de la vielle bâtisse enfin dégagée de ses broussailles et des tonnes de fumier qui envahissaient les pièces du rez-de-chaussée lorsque ces dernières années c’était encore l’abri improvisé par les bergers de la contrée pour leurs chèvres et brebis . (photo Alain MARC)
Le fortin de Pierre, (aquarelle Pierre NAVA) …... et celui de Yolande, non loin d’un hameau avec ses maisons en terrasses traversé en repartant . (aquarelle Yolande GERDIL)
Étonnant endroit où se mêlent tous les visages méditerranéens : on passe presque sans s’en apercevoir de lieux évoquant le Maroc ou la Tunisie à d’autres ressemblant à la Sicile ou à la Grèce sur le fond bleu de la mer ! (photo Alain MARC)
Dessin de Yolande avec en bas à droite le personnage symbole de la province d’Almeria inspiré d’une gravure rupestre tenant dans ses bras un arc semblable à un soleil levant . (croquis Yolande GERDIL)
Miracle de la vie, cette herbe verte qui tapisse la rocaille entre agaves et cactus, disparaîtra bientôt aux premières chaleurs du mois de mars ou d’avril pour ne plus laisser place qu’à sa mémoire africaine cuivrée des roches volcaniques du désert … (photo Alain MARC)
Pour le moment c’est ici le printemps, et quand bien même on n’aurait pas l’âme botaniste on passerait des heures à courir de talus en « barrancos », à s’émerveiller des espèces les plus rares ! (Miguel Mansanet, dans son livre sur la Comarca en a recensé sur seulement quelques kilomètres carrés 72 espèces extrêmement protégées) (photo Alain MARC)
L’astéricus maritimus est l’une d’entre elles, et ses bouquets à capitules semblables à des soucis entièrement jaunes, éclatent dans la rocaille comme autant d’explosions ensoleillées … (photo Alain MARC)
« Le Grand Bleu » : - vous vous souvenez du film ? Eh bien nous l’avons retrouvé ici avec des rochers blancs, mauves, ocres, orangés, saumonés, gorge de pigeons, qui plongent dans une mer turquoise et cobalt . (photo Alain MARC)
Dans la solitude et la pureté, avec pour tout bruit de fond celui de la brise marine, du cri des oiseaux de mer et du clapotis des vagues mourant sur les rochers … (photo Alain MARC)
Il y a longtemps déjà j’avais dessiné les calanques du Cerro Negro, des astéricus, et peut-être …notre déjeuner ! (photo Alain MARC)
De la beauté à l’état pur vous dis-je : une immense toile contemporaine en trois dimensions, que j’oserai parodier sur un bout de papier parce que c’est plus fort que moi, irrespectueux que je suis des choses trop belles pour ne pas tenter de les dessiner … (photo Alain MARC)
C’était comme si je n’avais pas les bonnes teintes dans la palette, comme si je ne connaissais plus rien aux mélanges et aux rapports de couleurs, comme si je ne savais plus rien faire que regarder et pleurer ! (aquarelle Alain MARC)
Dans le film du « Grand Bleu » : - vous souvenez vous aussi de l’adorable petit port où tout au début du film les enfants plongeaient ?
Celui-ci y ressemble beaucoup avec ses maisons les pieds dans l’eau, ses barques de pêcheurs colorées, et une vie encore paisible rythmée par la mer et les saisons … (photo Alain MARC)
Comme sur une île grecque, mais c’est en Andalousie !
(aquarelle Alain MARC)
Les photos à elles seules deviennent des tableaux parce que les choses sont simples, pures, équilibrées, et que l’harmonie qui se dégage de ce rapport au monde passant par la nature n’est rien d’autre que le souffle de la vie . (photo Alain MARC)
L’une des grèves du village qui s’étire paresseusement au pied des maisons .(photo Alain MARC)
Un autre coin du même endroit, un peu taché par les embruns …
(aquarelle Alain MARC)
Yolande et Pierre s’en donnent à cœur joie, (photo Alain MARC)
…et les poissons tout frais ramenés ce matin par les pêcheurs en barque nous sont servis à la petite auberge qui a les pieds dans l’eau, mais on ne cesse de peindre même à table comme si gagner le paradis était à ce prix ! (photo Alain MARC)
On oublie vite autour du « vino tinto » et de « l’abrasado pescado » qu’ailleurs il ne fait pas forcément très beau, que ça fait des jours qu’on n’a pas trouvé de cybercafé pour mettre mon article en ligne, et qu’il est temps de partir pour Grenade parce que l’Andalousie aux milles visages est une amante qui n’attend pas … (photo Alain MARC)
« La mujer canta a la puerta : « La femme chante à sa porte :
Vida de los marinerons Existence des marins :
el hombre siempre en el mar l’homme toujours en mer
y el corazon en el viento . » et le cœur au vent . »
Juan Ramon JIMÉNEZ