Inspiration « musclée » en parapente …
Je vous avais promis dans un article récent de repartir à la découverte picturale de mon beau terroir avec énergie et originalité .
Je voulais aller plus loin dans ma démarche, mon engagement, et le « produit pictural » que je pourrais vous en rapporter .
En voici un premier exemple qui m’a donné d’immenses joies mais m’a demandé une grande dose d’énergie et d’opiniâtreté .
D’abord par le lieu où se déroule l’action : à partir du Causse Comtal, dans un endroit que je rêvais de survoler car c’est mon village que je voulais voir du ciel, et pas n’importe comment, à « la force du poignet » si j’ose dire . Car ce n’est pas en avion ni en hélicoptère que je voulais y accéder, mais par mes propres moyens : écologiques, propres, sportifs et silencieux !
Ensuite par la difficulté de l’aventure puisque le site de décollage en terrain rocheux accidenté n’a qu’un minuscule dénivelé par rapport à la vallée, qui ne permet de s’élever au dessus du plateau (et encore de quelques mètres seulement) que lorsque de très rares et excellentes conditions météo peuvent être réunies .
Enfin parce que mon plan de vol en cas de prise d'altitude ne me permettait aucune approximation par rapport à l’espace aérien que je respecte toujours scrupuleusement : juste à l’extérieur de la TMA 1 de l’aéroport de Rodez, dans la zone TMA 2 autorisée, (mais ici elles sont assez proches l’une de l’autre) …
Cette « abstraction » est le fruit de ce vol : celle-là, je m’en suis vraiment donné pour la gagner !
La campagne est magnifique ces temps-ci vue du ciel, surtout en bordure du causse : champs de blés et fleuris, terres violines, ocres et roses, verdure des forêts, bleutés des lointains, gris argenté des routes et des rochers de calcaire … (« Image d’en haut » aquarelle Alain MARC)
Résumé de l’aventure :
Grosse chaleur toute la journée comme sur la majeure partie de l’Hexagone . Je passe l’après-midi chez moi à faire du bricolage sur la terrasse tout en surveillant l’aérologie . Quelle chance d’habiter en bordure de falaise face à la vallée !
De temps en temps un gros thermique vient du sud secouer les arbres du jardin avec force et puissance . Le vent est parfaitement axé . Vers 17h le rythme des déclenchements se fait plus régulier et moins violent tout en restant d’une grande ampleur . Ce sont les « conditions idéales » que j’attends depuis des années !
- Peut-être cette fois vais-je pouvoir m’embarquer dans un ascenseur qui m’élèvera un peu plus haut que le bord du plateau ?
Je fonce vers le « décollage » mon parapente sur le dos . Déploiement de l’aile au sol, rapide équipement, « prévol » de contrôle, test de lever et maintien de voile en statique au sol, vérifications de son comportement dans les rafales, …je la repose, les conditions me paraissant tout de même un peu fortes, car je me fais reculer !
Accalmie qui paraît se confirmer . Je relève la voile, elle me porte presque . Stabilisation en attendant un renforcement du vent . Il ne se fait pas attendre : immédiatement « arraché » du sol, je n’ai même pas à courir dans les rochers qui sont déjà à quelques mètres au dessous de moi . J’avance assez pour me caler dans l’ascendance en bout de falaise, mais elle est petite et « sèche », je la perds vite et dois effectuer un virage pour revenir vers l’autre éperon du bord de plateau où les thermiques sont souvent au rendez-vous .
Déception : les ascendances sont ici aussi hachées et imprévisibles, me fermant régulièrement les bouts d’ailes, et je dois « batailler dur » d’un coin à l’autre de la crête pour maintenir mon aéronef et ne pas perdre le peu d’altitude si chèrement gagnée .
Vigilance, car les rochers chauffés à blanc toute la journée par le soleil provoquent dans l’aérologie leur dose d’adrénaline, je surveille surtout le « bord d’attaque » (l’avant du parapente), tenant la machine sous pression pour qu’elle ne se rabatte pas devant moi .
Déjà une ½ h que je « galère » en me faisant bien secouer, et je n’ai toujours pas assez d’altitude pour revenir simplement me poser à mon point de départ !
Soudain les arbres s’agitent juste en dessous !
(… dans le coin à gauche en bas de la photo c’est mon pied et le bout du genou droit sur lequel je m’appuie pour prendre la photo)
(photo Alain MARC)
Soudain les arbres s’agitent juste en dessous vers la vallée : cette fois c’est sur, c’est l’ascenseur à prendre ! Je glisse d’une accélération au dessus de toutes ces feuilles qui bougent, et je n’y suis même pas à la verticale que je me fais comme « arracher par les bretelles », gagnant littéralement d’un seul coup plusieurs dizaines de mètres, peut-être une centaine ! Je dose mon freinage pour ne pas subir l’embardée, me concentre, entame des petits huit qui me permettent de rester bien centré dans l’ascendance qui continue de me propulser vers le bleu du ciel .
C’est par cette petite boucle que je suis maintenu du côté droit, il y a la même de l’autre côté … (photo Alain MARC)
Depuis longtemps je vole sans instruments, ce qui me permet d’être plus sensible aux mouvements de la masse d’air et de mieux évaluer le comportement de mon matériel qui fait ainsi davantage « corps » avec moi . J’aime ce pilotage au « feeling » . Sensation de liberté, d’espace, et même plus : d’absolue beauté, car la beauté m’entoure de toutes part . Une sorte de plongée vers le haut .
La zone du décollage perdue au milieu des rochers continue de s’éloigner en rétrécissant au fur et à mesure où je prends de l’altitude …
(photo Alain MARC)
Le sol lui, s’éloigne et se rétrécit . La vue se dégage faisant monter l’horizon en face vers les Gorges du Tarn et le Lévézou, de l’autre côté du massif qui en bouchait la vue avec de nouveaux villages qui apparaissent dans mon champ de vision .
Plusieurs centaines de mètres de gagnés, cette fois !
On dirait même que je pourrais toucher Rodez du doigt … Je distingue ma maison grain de riz comme sur une carte, au milieu du village qui parait tout petit, plat comme avec la main, avec toutes les routes qui en seraient des lignes de vie .
C’est une grande joie de survoler sa maison en pouvant se poser dans son jardin !
Un rêve d'enfant : pas difficile ensuite d’en tirer une petite aquarelle, car on refait son vol les yeux fermés … (photo Alain MARC)
Vigilance toujours, coups d’œil réguliers à la voile, elle est parfaite : pas un pli, pas une ride, et elle est belle sur le fond azuré du zénith comme un grand papillon rose aux ailes étalées .
- Et si je ressortais l’appareil à photos ?
Reprendre les freins d’une main, contrôler le pilotage à la sellette, essayer de photographier tout cela … et en pleine action voilà des turbulences qui me font lâcher le boîtier et reprendre en vitesse la maîtrise de l’aéronef, heureusement que je l'ai attaché au baudrier !
Déjà plus d’une heure de vol ! J’ai coincé l’appareil à photos dans l'élévateur droit et j’amorce un virage au moment où je fais cette photo … (Photo Alain MARC)
Dans le prochain article une vraie surprise pour vous : je vous ferai partager la suite du voyage, avec en document inédit une petite vidéo tournée au moment où ça commençait à vraiment secouer dur tout là-haut ! Vous verrez, c’est un peu surréaliste ou plutôt genre « art vidéo contemporain » …