Nous avons quitté Hanoï pour les montagnes du Nord, frontalières de la Chine.
…Soif de découverte, de rencontres authentiques, de croquis à connotation ethnologique et d’aquarelles fortes,
empreintes de cette mémoire des minorités ethniques rencontrées il y a deux ans déjà au Yunnan, de l’autre côté de la frontière sino-vietnamienne .
Elles doivent redynamiser nos carnets en les ramenant à leur vocation première : éterniser le regard et capter le vivant dans l’authenticité du témoignage .
Il m’a fallu beaucoup de temps avant de finaliser ce petit clip mais le voici enfin en préfiguration de ce que sera à l’avenir le type de reportage que je
vous présenterai (accompagné d’articles comme celui-ci) sur un nouveau site entièrement dédié à mon approche de l’aquarelle en voyage, le jour (prochain ?) où j’arrêterai d’animer des
stages, afin de voyager et peindre en pensant juste un peu plus à moi …
Synthétique au possible le travail de Bernadette CAZAL (souvenez-vous d‘elle) : aller à l’essentiel, saisir l’ambiance des lieux, celle de nos émotions elles-mêmes, au cœur de l’action
…
La route serpente et s’élève laissant le fond des vallées plonger au cœur de la brume dans une sorte d’onirique
vertige .
Nous sommes dans l’une des aires culturelles les plus riches du monde et nous savons que c’est pour nous comme un retour à des sources très lointaines, issues
d’identités ethnolinguistiques globalement réparties de façon transnationale…
Celle des H’Mong Fleuris (ou
« Bariolés »), l’un des quatre groupes vietnamiens ethnolinguistiques de cette minorité, les trois autres étant les H’Mong Blancs, Verts et Noirs . Ils se distinguent autant du
point de vue vestimentaire que linguistique (dialectes miao-yao) même si localement leur implantation ne s’étend pas sur un très vaste territoire .
Elle se gagne la piste qui mène dans certains villages ! Ici, la pelle mécanique qui nous retirera de l’enlisement lors du premier voyage s’approche du bus pour nous sortir de là, et nous repartons comme si de rien n’était …
Il faut ne rien rater :
pendant que la pelle mécanique nous dépannait, plusieurs d’entre-nous ont eu le temps de réaliser un certain nombre de croquis comme celui de ces enfants assistant aux manœuvre, dessinés
par Bernadette CAZAL .
Le paysage est tour à tour sauvage et mystérieux ou d’une extraordinaire sérénité .
Partout où l’humanisation de la nature révèle la présence humaine, déboisement, cultures sèches (surtout maïs, légumes, chanvre, coton) et rizières en
terrasses montent à l’assaut des pentes dans une merveilleuse harmonie . Nous sommes en période de brulis, généralement pratiqué en itinérance depuis des siècles, mais la
sédentarisation en fixant les familles (qui vivent dans des maisons aux murs de torchis à même le sol et aux toits de chaume), influence les modes de culture et l’orientation agricole
.
L’équilibre des formes, la diversité des cultures, la beauté de l’étagement végétal et sa répartition ne sont jamais troublées par un anachronisme
architectural, la disgrâce du moindre bâti rural .
Les villages y sont paisibles et calmes .
L’arrivée au village, l’une des illustrations de Fabienne VELTHUIS WOHREL : sur les sommets la montagne sauvage, en dessous les premières terrasses et habitations, descendant
progressivement jusqu’au bas des vallées, l’eau s’écoulant de rizières en rizières sur tout le flanc de la montagne, les parties hautes et certains terrepleins étant réservés aux brulis et
cultures sèches ainsi que certaines rizières asséchées dans ce but par intermittence .
C’est dans cet harmonieux environnement que nous arrivons
sur l’un des plus vivants marchés ruraux de la région . Il est établi sur un terreplein en terrasse dominant les environs, entouré de quelques maisons, et les paysans descendus de la
montagne qui à pied qui à cheval ou accompagné d’un ou plusieurs buffles destinés à la vente y sont nombreux, autant que ceux montés de la vallée en motos, la moto servant ici à transporter
aussi bien la famille que les marchandises !
La moto justement : on
y voit sur le porte-bagage tour à tour toute la petite famille (jusqu’à trois ou quatre personnes !) autant que la volaille, le cochon, et la foule innombrable de tout ce qui peut être
transporté de la sorte … (Carnet Bernadette CAZAL)
Si les hommes ont pour la plupart perdu leurs vêtements traditionnels, les femmes portent toujours
de magnifiques ensembles colorés, tissés, cousus à la main, (souvent peints au batik) et des bijoux d’argent superbes, bracelets et colliers .
Le marché est le lieu de rendez-vous hebdomadaire incontournable .
Si son rôle premier est économique (vente, échange, achat de denrées diverses, d’animaux domestiques et de trait où le buffle et les bovins se taillent la
principale part), son intérêt en tant que moteur essentiel de la vie culturelle et sociale est tout aussi considérable : on y vient aussi pour se rencontrer, et c’est le principal lieu de
rendez-vous pour la jeunesse où de nombreux couples, de nouveaux foyers trouvent leur origine .
En route
pour le marché : rien n’est plus joli sur les sentiers et chemins de montagne que de rencontrer ces femmes et enfants la hotte d’osier et de bambou dans le dos marchant à vive allure pour
se rendre au marché … (Carnet Rose-Marie HENRY)
Deux jeunes femmes
choisissent une pièce de tissu sur un étalage du marché : féerie de taches colorées !
L’une des belles pages du carnet de voyage de Michèle LE BRIS, auteur d’un travail révélant une grande pratique …
Dans une contrée où le rapt
symbolique de l’épouse est très répandu, où le mariage est interdit entre deux personnes portant le même nom de lignage, le marché est donc un lieu de passage parfois déterminant pour la
destinée de chacun !
On y mange en famille et entre amis (toutes la matinée les baraques restaurants de plein-air ne désemplissent pas), on y échange les dernières nouvelles, et
surtout on y boit énormément, et il n’est pas rare d’y croiser de jeunes (et moins jeunes) hommes dans un état d’ébriété plutôt avancée !
Il
faut dire que les jerricanes d’alcool de maïs et de riz y sont aussi bien remplis le matin que les hottes de légumes et de fruits le sont dans le dos des paysannes descendues de la montagne
…
Devant les baraques restaurants : il faut penser à se restaurer un peu avant de reprendre le chemin
du retour …
L’une des baraques vues de l’intérieur : on voit bien en bas à gauche l’un des fameux jerricanes de plastique blanc rempli des (trop) délicieux alcools de maïs ou de
riz …
La vie aux abords du marché : l’une des pages du carnet de Rose-Marie HENRY .
Ce qui nous fascine le plus ce sont les costumes féminins traditionnels, au corsage soit ouvert sur le devant, soit croisé avec la partie supérieure biaisée en pointe, bordé de franges de
fils colorés ou de perles et pendeloques, ou de rubans, aux manches décorées de bandes de tissus multicolores, aux jupes plissées souvent recouvertes d’un tablier et dont la ceinture fait
plusieurs fois le tour de la taille .
La plupart des femmes portent aussi des sortes de guêtres en tissu autour des mollets et leur chevelure est maintenue par un foulard tout aussi multicolore, souvent porté comme un turban
.
Nicole et Jacqueline en plein travail : chaque participant à ce voyage gardera longtemps en mémoire ces moments forts de la rencontre avec les H‘Mong
Fleuris…
Silhouettes féminines aux crayons de couleurs : croquis de Virginie ESTIENNE .
Encore un croquis de Virginie ESTIENNE .
Dans un style très différent Bernadette CAZAL sillonne elle aussi le marché…
Quant à Rose-Marie HENRY, elle entreprend des scènes complètes comme ces marchandes de canne à sucre,
...ou ce coin du marché aux bestiaux.
Mouphida et Évelyne du côté des motos …
Aussi à l’aise en aquarelle qu’en dessin au crayon, Virginie va de portraits en portraits …
Cet enfant énigmatique aux yeux profonds regardait Fabienne VELTHUIS WOHREL…
Lorsque nous nous décidons à repartir, Virginie dessine encore quelques marchands attendant un éventuel chaland
.
En ce qui concerne les vêtements masculins, bien qu’ils aient presque tous perdu leur confection traditionnelle, l’usage de pantalons et de vestes amples et sombres teints à l’indigo
subsiste toujours bien que jeans et pantalons plus fonctionnels généralement venus de Chine rendent plus facile la conduite de la moto, principal moyen de locomotion sur les pistes et les
routes de la région .
Je pourrais encore disserter longtemps sur l’architecture rurale, les arts et traditions populaires, les croyances, l’artisanat et d’autres particularités des H’Mong Fleuris, mais cet
article n’est qu’un extrait d’un projet plus vaste que je réserve à un futur site dont je vous reparlerai le moment venu .
Pour l’instant je tiens à remercier à travers lui tous les stagiaires qui m’ont suivis dans les deux belles sessions des carnets de voyages vietnamiens et prépare pour vous comme pour eux
encore pour quelques temps peut-être, d’autres inoubliables aventures…