Voici en « avant première » pour vous, une page extraite de mon carnet d’exploration à l’Aven Noir .
Celle-ci ne sera pas exposée car c’est une page d’écriture, (de notes de terrain), mais on oublie trop qu’un carnet de voyage c’est aussi un condensé de nos émotions et de nos aventures à travers les textes que nous écrivons pendant notre voyage (le plus possible comme les dessins et peintures sur le moment) .
Ainsi, vous avez là votre « exclusivité » bien à vous, chères et chers amis internautes !
Mais je reviens à ce court extrait, et au contexte de cet ouvrage : vous savez que j’ai entrepris ce carnet d’aventures il y a plus d’un an maintenant, et qu’il est consacré à l’extraordinaire gouffre de l’Aven Noir, situé sur le Causse du même nom, à l’orée des Cévennes, dans notre beau midi sauvage et secret …
Hors, même si la narration de l’exploration en cours et la description des incroyables merveilles du monde souterrain où se déroule l’action sont le principal sujet de mon travail, la découverte du site de surface, son environnement naturel et humain, son terroir et la vie qui s’y déroule, enfin de façon un peu plus élargie le pays du Causse Noir et ses passionnantes particularités, constituent une part essentielle de mon carnet, et ce n’est pas la moindre au niveau de l’enchantement qu’elle souhaite faire partager .
Car il faut bien le dire, ce gouffre ne s’ouvre par dans un karst banal, une région sans caractère : non, tout ici est magique, et ce pays de légendes vit au souffle des prodiges et du merveilleux, qui vous envahissent et dont on revient changé .
Par exemple ce jour d’automne tout proche où nous assistâmes avec deux de mes camarades d’aventures à un véritable événement féerique .
Nous sortions de l’Aven Noir en plein milieu d’après-midi, il faisait vraiment très bon, et décidions à l’invite de ce beau temps d’escalader l’une des abruptes falaises qui en dominent l’entrée .
Là, je reprends mes notes du moment mot à mot (je vous ferai le plan un autre jour, il est dans mon carnet d’exploration) :
« Nous voici au sommet de la massive tour dolomitique située au nord-est du gouffre . Elle domine les falaises du talweg de Long Bédel et toute la vallée, à l’exception du canyon amont du Trévezel caché par l’ubac et la crête de la Serre du Carla . Splendide point de vue !
L’automne est dans sa magnificence . Les chaudes couleurs de la nature environnante nous renvoient la lumière en autant d’éclats dorés, roux, orangés, et même saumons à rose vif pour les taches flamboyantes des érables de Montpellier qui parsèment les pentes . À gauche en dessous de nous la première coupure verticale dans le ravin de Long Bédel est le cirque de falaises blanches et grises du banc de dolomie bathonienne : elles réfléchissent la lumière du soir sur les frondaisons colorées qu’elles couronnent en vaste miroir circulaire .
De l’autre côté de la vallée, en face de nous, dans l’ombre du contre-jour : l’ubac du Causse Bégon, luminescent d’un bleu profond, transparent, indéfinissable comme si toute l’eau du Trévezel qui en a creusé le sillon pendant des millénaires nous plongeait à travers un mirage dans le lac de sa mémoire .
Enfin sur notre droite les gorges de cette rivière enfouie sous le calcaire se prolongent vers l’aval en obliques convergeant vers le bas, diminuant en enfilade jusqu’à dessiner à l’horizon un vaste V à l’élégante perspective soulignée à notre pente par les rayons du soleil déclinant .
On devine à peine tout au fond la silhouette altière et mystérieuse du petit hameau de Cantobre aux maisons blotties les unes contre les autres, accrochées au vertigineux et énorme champignon de roche qui les soutient en équilibre par dessus la Dourbie .
En fond de décor, absorbant presque ce bout de vallée à l’incomparable découpe, le Causse du Larzac signe l’horizon de ses pentes bleutées où le regard se perd .
Il y a comme une fragilité dans l’air, un sentiment d’absolu qui c’est posé sur nous, car les jours déclinent et nous devinons bien la fugace tendresse de cet été indien qui nous étreint en lui et rend l’instant précieux .
Soudain, perçant le silence du somptueux panorama qui nous absorbe, le cri d’un oiseau nous arrache à notre contemplation . Un cri familier, joyeux, repris en écho par les falaises du cirque de Long Bédel . Il vient de notre dos et nous le reconnaissons immédiatement !
Il résonne à nos oreilles comme une bonne nouvelle .
Nous nous retournons aussitôt .
On ne voit pas âme qui vive, mais nous découvrons émerveillés la pente qui nous domine et qui était derrière nous .
Elle se pare des mille couleurs des fêtes de l’automne . On dirai que l’innombrable foule du monde végétal est venue chamarrée de ses plus beaux atours pour s’asseoir en silence sur les gradins immenses des strates de calcaire qui s’en vont dans l’espace à l’assaut de l’azur .
On dirait qu’un signal vient d’être donné, et que ce peuple végétal attend quelque prodige …
Nous le regardons sans un mot prendre vie sous nos yeux, découvrant fascinés la présence étrange d’un colossal rocher qui paraît présider tel un monarque de pierre l’intemporelle assemblée, depuis son piédestal .
- Quel fabuleux rocher ! À une centaine de mètres au dessus de nous il ressemble à un personnage assis, portant sur son épaule quelque cape ou besace . Sa tête est tournée vers le couchant . Il a un bec comme un oiseau et un regard curieux dans le soleil qui descend .
C’est alors que des lèvres du causse, dans la direction même qu’il paraît scruter, trois silhouettes agiles et ténues comme des fragments d’arabesques s’envolent vers le ciel, puis quatre, cinq, six et même sept en autant de points noirs qui montent au zénith . »
Si vous voulez en connaître la suite et découvrir ce qui s’est produit d’incroyable ensuite, je vous recommande de guetter la parution de mon livre prévue (si pas de retard) fin 2008 .
Mais pour accompagner votre impatience potentielle, et vous combler de cette bonne nouvelle qui, par delà le prodige auquel nous avons assistés muets d’admiration nous a tant réjouis, je vous dirai prochainement de laquelle il s’agit, et je ne doute pas que les plus perspicaces (s’ils ou elles ont lu avec attention les articles précédents concernant l’Aven Noir) auront deviné ce que j’évoque ainsi ?
Non, ce ne sont pas de vautours dont il s‘agit dans mon texte ! Mais voici un croquis de Cantobre un matin brumeux, (hameau que les vautours viennent
justement frôler souvent du bout de leurs ailes - certains stagiaires du dernier stage des Gorges du Tarn savent l’émotion
qu’on ressent quand un de ces géants des airs vient voler au ras de vous - ). Cantobre est-ce petit village du bout des Gorges du Trévezel, au confluent de celles de la Dourbie, dont je parle dans
mon texte . Du haut de la falaise où nous étions ce n’est pas ce côté que l’on voit mais l’arrière par rapport à cette aquarelle, côté qui est beaucoup plus impressionnant car surplombant
complètement le vide sur une bien plus grande hauteur . L’aquarelle correspondant à la vue dont je parle sera dans le livre qui devrait paraître fin 2008 . (Page extraite du carnet
d’exploration de l’Aven NOIR d’Alain MARC)