Le regard vers les sommets de l’Atlas ...
Peut-être vous souvenez-vous de cette jolie aquarelle réalisée par mon «Ptit’Jo» dans son premier carnet de voyage à l’occasion d’une traversée du Haut-Atlas que nous avions réalisée ensemble, en rentrant de Ouarzazate sur Marrakech ?
C’était il y a déjà trois ans, et j’ai retrouvé avec nostalgie ce pur moment de bonheur : le regard d’un enfant porté sur la première grande montagne d’Afrique du Nord avec la candeur et la simplicité de cet émerveillement pour les choses du monde que nous ne devrions jamais perdre si nous voulons nous exprimer par le langage des choses de l’art, que nous soyons peintre, écrivain, musicien …
Émerveillement . Candeur du regard . Simplicité .
Le monde entier devrait être contenu dans ces trois mots si nous avons la chance de voir, d’entendre, de chercher nos propres définitions de la beauté .
Alors ce sont d’incomparables bouffées d’oxygène qui vont redonner un sens à notre traversée du quotidien en nous aidant à mieux supporter le hourvari des tristes nouvelles qui assaillent nos journaux du matin et du soir . Peut-être l’art sert-il aussi à cela ?
Et je fouille alors dans mes cartons pour essayer de retrouver cette candeur, à travers d’anciennes aquarelles peintes au cœur de l’Atlas … Car l’Atlas est un monde à part qui est sans doute plus près de la beauté . Des aquarelles ? je n’en trouve pas . Peut-être celle-ci que j’ai déjà partagée avec vous …
À cause de la lumière ? Oui, c’est cela : de la lumière .
Ptit’Jo, lui, avais su voir : il avait vu que les parois de grès tombant à pic sur le vieux hameau et le minaret de la mosquée étaient fuchsia .
Pas grenat ni lie de vin, non fuchsia parce que si je me souviens bien ce soir-là, toute la montagne était illuminée par le soleil couchant, et il y avait même au fond de son coeur une couleur qui flamboyait, qui ressemblait au bonheur, et c’était celle-là !
Jacques Majorelle lui aussi, en son temps avait su voir . L’Atlas, toujours l’Atlas . Il n’y a qu’à voir là .
En ce qui concerne la beauté du monde, lorsqu’elle est perçue dans la paix, c’est à travers le regard de l’enfance qu’elle peut s’exprimer le mieux . En dans le regard de celles et ceux qui ont su conserver ou retrouver le regard de l’enfance .
J’ai également retrouvé cette photo .
Ils s’étaient tous réunis autour de moi ces gamins d’un village perdu en bout de piste d’une profonde vallée du côté du Tizi’n Test . Il y avait des petites filles en robes rouges et fuchsia . L’émerveillement était aussi dans leurs yeux et la lumière de la haute montagne s’y reflétait .
Nous y étions arrivés tard, avec mon ami Pierre , en roulant au hasard droit devant nous . Une impression de sublime, avec déjà à peine arrivés ici, le pincement au cœur de savoir qu’il allait falloir repartir .
Après deux ou trois aquarelles nous avons rangé nos affaires, ils ne voulaient plus nous laisser partir !
La magie .
- Était-ce l’Atlas ? - Était-ce la lumière ? - Étaient-ce les enfants ?
Sans doute les trois .
La lumière, c’est la couleur .
Le regard, c’est celui de l’enfance .
L’Atlas, c’est le catalyseur .
Je voudrais pour terminer cet article vous offrir un autre regard sur l’Atlas . C’est celui de Francis FRENKEL .
Francis FRENKEL, même s’il est diplômé de l’École des Beaux Arts de Nantes, n’est ni peintre ni sculpteur .
Il est certainement plus que cela : il est veilleur des instants fragiles du monde absorbés par le temps .
Les photos qu’il fait, les vidéos qu’il ramène sont puisées au cœur même des êtres et des choses à la rencontre desquels il a été . Elles nous interpellent toutes .
En cela son regard est essentiel : lucidité, vérité, et émerveillement tout à la fois .
Francis est parti cet hiver au Maroc, dans le haut -Atlas et a vécu avec une ethnie de berbères qui vivent dans une vallée inaccessible et coupés du monde : les Aït
Ouzighrimts .
De cette rencontre est née une vidéo documentaire et une série de photos des plus intéressantes qui soient .
Ses photos des enfants de l’Atlas sont ici .
Quant à la bande annonce du très beau film qu’il a tourné avec les Aït Ouzighrimts et que vous verrez bientôt sur vos écrans de TV, (guettons aussi sa sortie dans le commerce), je vous la laisse découvrir ci-dessous vous pouvez la mettre «plein écran» sur vos ordinateurs, vous ne le regretterez pas, sa qualité le permet largement, laissez-le bien se télécharger avant de le lire .
Au moment où je vais retrouver dans une dizaine de jours à peine quelques stagiaires privilégiés à Marrakech pour une session «carnet de voyages» qui nous emmènera justement en excursion sur les routes du Haut-Atlas, je voulais m’imprégner de ces ambiances singulières et vous les faire partager .
Je laisse enfin Francis terminer cet article en présentant son film, sa démarche et son regard sur cette ethnie si attachante, et tiens à le remercier chaleureusement pour l’autorisation qu’il m’a donnée de vous permettre cette rencontre privilégiée .
À un de ces jours, avec toute mon amitié …
Les Aït Ouzighrimts : Bientôt sur vos écrans....
Ouzirimt car le « gh » se prononce »r ».
Le paradoxe du Maroc, entre Casablanca ses boutiques de luxe, ses buildings, ses activités de haute technologie, ses Centres d'Appels et, à quelques kilomètres, dans le Haut Atlas, l'ethnie des
Aït Ouzighrimt qui ont conservé un mode de vie ancestral... Une communauté oubliée et inconnue...
Les Aït Ouzighrimts sont des berbères, anciens touaregs qui se sont sédentarisés dans la vallée du Mgoun, au sein de la chaîne de montagnes du Haut Atlas marocain, il y a environ trois siècles.
J’ai découvert les habitants de cette vallée durant l’été 2009, période de grande activité d’agriculture et de moissons. A mon retour et après des recherches infructueuses sur cette communauté,
j’ai décidé de vivre avec eux la période la plus froide et la plus austère de l’année, le mois de janvier, afin de mieux les connaître. J’ai donc monté une expédition avec le soutien de mon ami
Brahim Ben Ichou, guide local indépendant. Sans sa maîtrise technique de guide de haute montagne, sans sa connaissance de cette région et de ses habitants, ce projet n’aurait pas pu voir le
jour.
Les images de ce recueil racontent mes rencontres avec les Aït Ouzighrimts.
Cette communauté est totalement isolée durant les six mois dhiver, car aucune route ne permet l’accès à la vallée qu’ils occupent, malgré les promesses du gouvernement marocain.
La vallée Ouzighrimt se situe entre le col de Tizi Aït Imi - versant Bouguemez au nord - et le col d’Imi Nirkt et Tizi Aït Ahmed - versant sud, donnant sur la vallée des roses .
Durant l’hiver il est impossible de quitter cette vallée par les Gorges du Mgoun car l’eau est glaciale, souvent gelée ; ainsi, seuls les deux cols permettent la sortie lorsque les conditions
climatiques sont favorables.
Quatorze villages Ouzighrimt sont construits sur les flancs de la vallée, le long de la rivière Mgoun, ce qui représente une population d’environ 2800 personnes.
Peu d’Ouzighrimts savent lire et écrire le berbère et l’arabe. Il n’y a pas d’école dans la vallée, pas de dispensaire ni de pharmacie, pas de médecin, pas d’électricité ni d’eau courante.
Il n’y a pas de sage-femme pour assurer les accouchements, les femmes expérimentées sont appelées pour assister les jeunes mamans pour la naissance de leur premier enfant. D’après le recensement
de 2002, trois accouchements sur dix aboutissent au décès du nouveau -né ou de la mère. Un problème de santé qui pourrait être bénin dans les grandes villes ailleurs peut entraîner la mort dans
cette vallée, surtout pendant l’hiver.
Durant tout mon séjour, les Aït Ouzighrimts n’ont cessé de réclamer du gouvernement marocain les aménagements minimums leur permettant de vivre en sécurité et dignement : une route, des maîtres
d’école, un dispensaire et des médicaments, des citernes pour distribuer l’eau dans les villages
Je souhaiterais que mes images contribuent à faire entendre leurs messages et que les Aït Ouzighrimts ne soient plus des berbères oubliés.
Francis Frenkel, février 2010 .