Un arbre nommé arganier …
Nous sommes au sud-ouest marocain, dans la région allant de la pointe occidentale de l’Anti-Atlas, des franges du Sahara jusqu’au nord d’Essaouira, en passant par la plaine du Sous, Traoudant, Agadir. Sa répartition géographique, spécifiquement endémique, couvre plus de 800 000 hectares, mais il est en voie de disparition malgré un dahir (décret) destiné à le protéger datant de 1925, et son classement au patrimoine de l’UNESCO en 1998, mesures de sauvegarde qui ne sont pas toujours très bien respectées …
Cet arbre « magique » évoqué dans l’article précédent (nous verrons pourquoi dans les prochains textes que je mettrai dans cette colonne), au nom scientifique d’Argania spinosa, l’arganier, ne se trouve donc nulle part ailleurs sur le globe . Il peut dépasser 10 m de hauteur et vivre plus de 200 ans, résistant aux plus fortes sécheresses .
J’ai sur cette carte tracé en rouge la répartition géographique de l’arganier, en vert celle des espèces d’arbres endémiques du Haut-Atlas tels le genévrier thuringien ou du Cèdre de l'Atlas dit Cèdre bleu (qu’on trouve aussi dans le Rif et le Moyen-Atlas) .
On voit quelques petits « îlots » colorés de rouge plus au nord aussi, du côté de Safi et j'aurais pu si la carte avait été plus grande placer ceux, beauxoup plus rares, du nord du Maroc .
On remarquera sur cette carte que le morcellement des arganeraies et leur disparition correspondent essentiellement aux zones cultivables facilement accessibles surtout si elles sont associées aux voies de communication les plus pratiques . Cela est révélateur de l’influence particulièrement destructrice de la mise en place de cultures intensives (surtout céréalières et maraîchères sous serres) dans des zones à l’équilibre écologique fragile, où les défrichements répétés, le pompage à outrance des nappes phréatiques, l’addition d’engrais et de produits agricoles très nocifs pour les sols accentuent la disparition de cet arbre providence qui a nourri des générations de familles rurales .
Très saisissante est la profonde entaille traversant la carte des pieds du Toubkal à Agadir et qui correspond à l’axe central de la plaine du Sous … À cela vient s’ajouter le surpâturage lié au traditionnel parcours forestier dans les zones rurales plus reculées, qui avec l’augmentation des troupeaux ajoute sa charge à ce triste constat, en condamnant de manière irréversible la régénération naturelle de ce véritable arbre de vie .
C’est donc avec beaucoup d’attention et d’émerveillement que je vous invite à le découvrir ainsi que ses principales vertus .
L'écosystème de l'arganeraie peut se catégoriser par ses deux principaux types d’implantation qui vont du niveau de la mer jusqu‘à 1500 m d’altitude :
- l'arganeraie-verger de plaine (liée à la forêt dite trouée),
- l'arganeraie-forêt (liée à la forêt claire sauvage de montagne), dans l'arrière-pays montagnard collinéen, où il est utilisé à travers le séculaire système sylvo-pastoral .
J'ai peint cette aquarelle il y 3 ans dans une arganeraie-verger de la région d’Essaouira . On remarquera le douar en haut de la colline, habitat berbère traditionnel en terrasse dominant cultures et vergers . Au dessous les arganiers poussent dans les champs qui sont souvent délimités par une murette de pierres sèches recouverte de buissons .
Peu à peu, les cultures céréalières prennent ici aussi de l’importance et commencent à occuper des surfaces conséquentes pour connaître depuis peu un véritable essor .
Le type d’arganier représenté sur l’aquarelle est cultivé et correspond floristiquement aux espèces très influencées par la mitoyenneté du littoral océanique . Ceux que j'ai dessinés ici ne sont pas encore trop abîmés par l’exploitation pastorale (surtout pâturage des chèvres), car ils en sont « protégés » (au moins une partie de l’année) par les cultures qui poussent à leur pied .
Nous verrons dans le prochain article le rôle social, familial et économique (traditionnellement domestique) de l’arganier, avec une aquarelle le resituant dans sa réalité de pâturage aérien, (emblème d’une adaptation très ancienne à l’aridité des populations qui lui sont associées), et protecteur de plus en plus décharné d’une érosion sournoise qui regagne du terrain de par le seul fait de sa raréfaction …
Ma réponse : - généralement et chaque fois que je le peux je fais mes aquarelles sur le motif, surtout si je veux traduire une atmosphère qui lui est intimement liée . Il m'arrive aussi très souvent de faire sur le motif (ou tout à côté si je ne peux plus le voir car il a disparu - animaux, scènes fugaces -) une aquarelle très synthétique ou "abstraite" qui se détache complètement de la réalité en essayant d'en conserver "l'essence", (l'âme ou l'esprit en quelque sorte), ou bien à partir de la vision qu'il m'en reste en mémoire lorsque cette réalité a été forte et surtout très prégnante (exemple mes aquarelles de vol libre) .
Dans le cas qui nous intéresse ici, où j'avais peu de temps pour faire un travail élaboré, je te réponds "les deux", puisqu'un (ou plusieurs) croquis ont été réalisés sur le motif, généralement en prise de notes rapides (car je n'avais le temps de peindre entièrement plus d'un ou deux sujets) et terminés ou recommencés ensuite grâce à ces prises de notes .
C'est à partir de ces croquis que j'ai réalisé les motifs de ces femmes travaillant pour la fabrication de l'huile d'argan : directement (mais un peu plus tard comme je l'explique) en peignant sur les croquis eux-mêmes, ou bien carrément recommencés et peints sur une autre feuille dès que j'ai 5 mn et que ma mémoire de la scène est encore vivace .
Lorsque j'ai un tout petit peu plus de temps je mets en place les couleurs les plus importantes (celles qui sont déterminantes pour la compréhension, la mise en valeur ou l'impact visuel du sujet), et je laisse le reste du croquis inachevé, comme dans l'ébauche du village de Coubisou .
Quand je n'ai pratiquement pas de temps du tout, je travaille d'après photos, mais le résultat est toujours moins spontané .
Le plus important quand on débute ce genre d'approche sur le motif est d'évaluer au premier contact avec le sujet le temps qu'il va nous falloir pour le traiter dans tous les cas de figure :
- en aquarelle "aboutie",
- en croquis aquarellé (ou aquarelle rehaussée si on est bon dans cette expression),
- en croquis et prise de notes,
- en prise de notes sommaire seule .
Il faut alors du premier coup d'oeil voir dans quel type de travail s'engager si on veut être efficace .
Il est souvent préférable de faire plusieurs croquis aquarellés ou prises de notes qu'une seule aquarelle aboutie, mais ce choix dépend de chacun, et le contexte de travail autant que la nature du motif, (son importance ou non dans une démarche globale par exemple), sont déterminants .
Dans le cas de l'aquarelle qui nous concerne ici, j'ai travaillé d'après le croquis ci-dessous, d'autant plus qu'il me fallait "recomposer" la scène, (des sacs très gênants cachaient le tri des noix, et on ne comprenait rien à ce qu'elle faisait) :
La plupart des aquarelles des prochains articles sont faites ainsi sauf une entièrement faite sur le vif .
Quand on fait cela, il faut sans arrêt penser à noter les couleurs et les ombres ne serait-ce que par des hachures .
L'habitude et l'expérience permettent de terminer "en aveugle" par la suite, en ne se trompant que très peu par rapport aux couleurs, au modelé et à la lumière .
Je préciserai plus tard comment réussir une "prise de notes" ce qui fait progresser, tout en cultivant sa mémoire ...